Note : cet article n’est pas une analyse du groupe Téléperformance. Il s’agit d’un bref résumé des raisons qui m’ont poussé à en devenir actionnaire.
Qui n’a pas suivi la vertigineuse chute du cours de Téléperformance, le spécialiste de la relation client, depuis deux ans ? En 2022, un scandale sur fonds d’enquête au sujet du traitement du personnel en Colombie a entaché le groupe et ses dirigeants, déjà suspecté de violer des droits syndicaux dans d’autres pays. Le cours a perdu 30% le jour de l’annonce de ladite enquête. Mais ce n’est pas tout : une autre annonce a enfoncé le clou deux années plus tard. Il s’agit de celle de Klarna, start-up suédoise dans le micro-paiement via smartphone, qui a déclaré avoir créé un assistant IA permettant de gérer les deux tiers de ses requêtes clients par chat (statistique sur 2,3 millions de conversations en trois mois). Un peu plus tard, c’est le géant SalesForce qui annonce le lancement d’un assistant spécialisé dans la relation client.
Le marché a vu dans ces annonces la fin du modèle de Téléperformance, basé sur « l’exploitation » de personnels peu qualifiés dans des pays à bas coûts pour des tâches répétitives. C’est clairement une vision que je ne partage pas. D’abord, Téléperformance est régulièrement mis en avant par le magazine Fortune et l’institut Great Place to Work comme étant un des meilleurs employeurs du monde. Le groupe comptant un demi-million de salariés répartis sur le globe, il n’est pas surprenant d’observer quelques dérapages, même si c’est toujours regrettable. C’est statistique. Le plus important est que les problèmes détectés soient résolus.
Ensuite, vient le problème de l’IA. Je trouve très surprenant que Téléperformance est attaqué sur le thème de l’IA. Car cela fait des années que Téléperformance injecte des montants colossaux dans l’IA. C’est un précurseur dans ce domaine, si bien que, pour employer une expression à la mode, l’IA est dans l’ADN de Téléperformance.
J’ai travaillé quelques mois pour un centre d’appels. C’est un métier difficile, où les salariés doivent maîtriser le métier de leurs clients sur le bout des doigts, et connaître par cœur des procédures qui peuvent être très complexes. Cela ne peut plus se faire sans des logiciels qui mettent beaucoup de temps à être bâtis, en partenariat avec le client. Croire que l’IA peut en un coup de baguette magique remplacer tous les logiciels ou les connaissances ultra spécifiques de tous les clients de Téléperformance est une profonde utopie et une méconnaissance totale de l’avantage concurrentiel que possède Téléperformance et de ce qu’est réellement l’IA. Klarna et SalesForce utilisent le chat, outil que d’autres sociétés (comme ServiceNow) utilisent depuis des années. Téléperformance est dans la voix. Le groupe offre un contact humain avec le client. Ce que ne peut faire (pour l’instant) un robot. Une récente étude (dont je n’ai plus les chiffres) montre clairement que les humains ne sont pas du tout prêts à dialoguer oralement avec des robots. Mais supposons que les progrès de l’IA soient suffisants pour que des concurrents mettent en place des robots capables de remplacer Téléperformance. Le risque d’hallucination (ou erreur flagrante) d’un robot est énorme. Chaque erreur peut détruire la réputation d’un client. Il faut bien comprendre que la relation client est un point essentiel pour une société, voire capital pour certaines qui mettent en avant la qualité de leur relation client. C’est-à-dire qu’il faudra exiger un niveau de perfection extrêmement élevé de l’IA pour que les clients l’utilisent. On en est très très loin.
Je suis donc convaincu que l’IA n’est pas une menace pour Téléperformance. Et c’est même le contraire : l’IA est un atout. Comme je le disais, Téléperformance est pionnier en matière d’IA. Cela lui a permis d’augmenter ses marges significativement au fil du temps. Et tout progrès de l’IA continuera d’aller dans ce sens. Je suis donc confiant dans le fait que Téléperformance va encore pouvoir augmenter ses marges dans le futur.
Sur les dix dernières années, le CA et le bénéfice ont été multipliés par 4, soit une croissance annuelle de 15% ! Même si cette performance semble peu probable de continuer ainsi, on peut table sans beaucoup se tromper sur la moitié, soit 7-8% à l’avenir, ce qui correspond peu ou prou à son ROCE le plus bas (je ne comptabilise même pas la récente acquisition de Majorel, qui devrait améliorer encore les marges et donc le ROCE). Le groupe se paie 6x son bénéfice estimé pour 2024, et seulement 7x ses cash-flows ! La direction a entrepris en 2023 des rachats d’actions massifs, qui pourraient cumuler à 5-10% par an. Une bonne intégration de Majorel combinée à une poursuite des rachats d’actions pourraient faire croître le bénéfice par action du groupe au rythme de 15% par an. Par le passé, Téléperformance s’est payé plus de 30x ses bénéfices. Mais le P/E moyen est autour de 20. Tablant prudemment sur 12 (le plus bas depuis 10 ans est de 18), avec un bénéfice par action ayant crû sur les cinq prochaines années à 15% par an, on devrait obtenir un cours de près de 400 €, soit une performance supérieure à +30% par an.