Traditionnellement, les investisseurs dans la valeur sont 100% investis, faisant fi des variations des marchés et des données macro-économiques. L’idée générale étant que sur le long terme, les humeurs de marché sont totalement lissées et n’ont finalement aucun impact sur les entreprises qu’ils possèdent en portefeuille.
Suite à une discussion que j’ai eue sur le web, je voudrais disserter sur la différence qui me semble assez importante entre être 100% investi à tout moment et investir à tout moment.
Etre 100% investi à tout moment signifie que vous ne possédez pas de cash. Vous ne pouvez profiter des baisses de marché pour faire une razzia sur les soldes. En contrepartie, vous bénéficiez à plein de la hausse des marchés. Comme je le dis plus haut, c’est l’essence même de l’investissement de la valeur, avec des entreprises de qualité que l’on conserve sur le long terme.
Quand je dis investir à tout moment, je ne dis investir dès que l’on a du cash, car sinon cela reviendrait à être 100% investi. Non, j’entends plutôt par là investir au moment où l’on souhaite, c’est-à-dire précisément lors des soldes. Je me suis amusé à imaginer plusieurs scénarios d’investissement en émettant l’hypothèse qu’un krach interviendra d’ici cinq ans, hypothèse qui me paraît très réaliste, même si elle est contestable. Dans le cas d’un tel krach, je suppose que le cours de l’entreprise ausecours.com s’effondre suffisamment pour offrir un rendement sur cash-flows réinvestis de 15% au lieu de 10% actuellement. Voici ce que cela donne dans l’hypothèse où l’entreprise parvient à maintenir ces cash-flows pendant dix ans :
Cas 1. Le krach a lieu d’ici la fin de l’année. J’achète mes titres et ceux-ci me rapportent 15% par an pendant dix ans. Ma moyenne sur dix ans est de 15%.
Cas 2. Le krach a lieu dans deux ans. Pendant deux ans mon cash travaille à 0%, puis pendant huit ans il travaille à 15%. Ma moyenne sur dix ans est de 12%.
Cas 3. Le krach a finalement contre toute attente dans cinq ans. Mon cash ne travaille que pendant les cinq ans qu’il reste après le krach. Ma moyenne sur dix ans est de 7%.
Si l’on reprend cette expérience avec une entreprise qui maintient ses cash-flows sur quinze ans alors :
Cas 1. La moyenne sur quinze ans est toujours de 15%.
Cas 2. La moyenne est de 13%.
Cas 3. La moyenne est de 10%.
Conclusion : ça semble valoir vraiment le coup, dans le cas d’une entreprise de qualité aux cash-flows prévisibles, et dans le cas d’un marché manifestement en haut de cycle, d’attendre même cinq ans avant d’investir. Mes chiffres sont peut-être peu réalistes, mais ils permettent de bien comprendre l’idée.
J’ai donc été surpris de lire sur certains forums que des personnes s’en voulaient d’avoir « raté » le trou d’air de la semaine dernière ou qu’au contraire, certains en avaient profité pour acquérir des titres 10% moins chers que les jours précédents, quitte à les revendre aussitôt. Je ne suis pas du tout en phase avec ce genre de pratique qui se focalise sur l’évolution des marchés à court terme et qui semble ignorer les fondamentaux et la marge de sécurité. Le genre de phrase « si le CAC descend à 4200, je mets tout sur la table », me laisse pantois. Car d’abord, n’oublions pas qu’il s’agit du CAC qui n’est pas nécessairement représentatif de l’ensemble des entreprises cotées. Et qu’ensuite, un CAC en petite forme n’implique pas nécessairement que les « bons » titres soient suffisament bradés. Attendre le moment opportun pour saisir une rentabilité prévisible décente me semble bien plus prudent et gagnant sur le long terme.
Sur cette image on peut voir les krachs boursiers puis les remontées qui ont suivies depuis 1929 :
http://www.ritholtz.com/blog/wp-content/uploads/2015/10/bears-and-bulls.png
Certes la période est un peu courte pour être signification mais on peut voir qu’un marché bull peut durer longtemps (plus de 10 ans entre 1989 et le krash de 2000).
Rien ne dit que ce record ne sera pas battu.
Aussi un bear market peut être très court, 3 mois en 1967, ou très long 63 mois en 1937.
Bref c’est assez compliqué de se positionner mais il semble probable que garder un peu de cash est une bonne stratégie sur le long terme à condition de ne pas être trop radin quand se présente une opportunité : en 1980 la baisse maximale était de 27 % seulement et ceux qui n’ont pas investi à ce moment (espérant une baisse de 33% comme dans votre exemple) auront du attendre 7 ans de plus pour pouvoir investir.
Bonjour Pierre,
c’est toujours instructif d’observer le passé. Les statistiques que vous rappelez me laissent croire qu’il n’y a pas nécessairement de « bonne » ou de « mauvaise » attitude face aux liquidités. Tout dépend finalement de la sensibilité de chacun.
Pour ma part, j’ai toujours été 100% investi, mais je me « radinise » un peu avec l’âge, et n’ouvre mon portefeuille que lors de paniques. Je vis cependant assez mal de voir mon argent dormir à 0% sur mon compte. Au point d’en ouvrir un oeil de plus en plus attentif aux obligations.
Merci de votre commentaire.