Nous avons le plaisir de vous proposer aujourd’hui une analyse rédigée par un invité à qui nous avons suggéré de rejoindre le blog. Jérôme alias PoliticalAnimal, puisque c’est de lui qu’il s’agit, partage notre approche value et possède de surcroît une plume et une finesse d’analyse que nous apprécions beaucoup, et que nous avons jugées enrichissantes dans le cadre de ce blog.
Note : cette analyse avait été écrite avant de connaître les résultats du dernier trimestre 2013. Ces résultats vont dans le sens de la conclusion qui les prédisait en grande partie.
Présentation
HF Company est une belle réussite entrepreneuriale française. HF Company est basée en Touraine. L’entreprise est cotée sur le compartiment C de la place parisienne. C’est une nanocap française spécialisée dans la conception et la commercialisation de matériels de réception et de transmission de signaux haute fréquence (d’où le HF). Les produits de la PME sont destinés aux marchés de l’audiovisuel (marque Metronic), du multimédia et de la téléphonie mobile (Omenex et Kaorka) ainsi que de la domotique (Avidsen et Extel) ; domaine nommé plus largement « confortique ». C’est une PME de 329 employés (341 en 2012).
Situation
HF Company a une capitalisation d’environ 22 M€, 113 M€ de chiffre d’affaires en 2012 et 95,4 M€ en 2013. Le CA par famille de produits se répartit ainsi :
- matériels de réception TV (33 %),
- équipements de domotique et « confortique » (32 %),
- équipements de traitement des signaux pour réseaux haut débit (20 %) et
- périphériques numériques (20 %). La fabrication des produits est assurée par des sous-traitants asiatiques.
Les produits sont commercialisés auprès de la grande distribution (B to C) et en B to B auprès des professionnels (antennistes, grossistes en électricité et en composants électroniques). Le CA est centré sur l’Hexagone (environ 60 %). La tendance n’est pas très prometteuse puisque la part relative de la France augmente depuis plusieurs années mettant en exergue un rétrécissement des bases géographiques de l’entreprise. Il y a 3 ans le CA de la France représentait un peu de 40 % et l’Asie quasiment 10 %… uniquement 3 % maintenant. De plus, la répartition du CA par type de produits varie fortement reflétant de nécessaires adaptations et donc une absence d’avantages compétitifs.
Valorisation
La trésorerie est alléchante. HF Company possède en trésorerie environ 116 % de sa capitalisation. Toutefois, HF a aussi des dettes. Plus précisément pour une action cotant actuellement autour de 6 € (début 2014), nous pourrions acquérir une entreprise avec environ :
- VANT : 7,9 €
- VANN : 6,4 €
- NNWC : 0,1 €
Détaillons les chiffres permettant d’analyser HF Company (on se fonde sur le dernier rapport annuel intégralement disponible celui de 2012 mais les résultats du dernier trimestre 2013 ne sont que la confirmation des tendances déjà perçues). Nous avons : un faible score Piotroski de 4, une marge opérationnelle en général à un chiffre et en baisse depuis plusieurs années (3 % en 2012), un très bon P/B tangible autour de 0,75. Retenons aussi dans les points favorables : un FCF yield constamment au-dessus de 5 % depuis 5 ans avec des pointes à 2 chiffres. Donc l’entreprise est capable de générer du cash de façon constante même dans de mauvaises conditions de marché. Le faible niveau de CAPEX (à peine 2 %) en fonction du CA aide à obtenir un bon free cash flow. Les ratios d’endettement court ou long terme sont de bons à très bons : solvabilité de 67 %, current ratio de 2,05 et dette long terme représentant un peu plus d’un an de FCF. La dette bilantaire est en revanche en légère hausse (la dette long terme est en légère baisse mais avec un bilan qui a significativement baissé et continue à baisser en 2013). Un BFR très stable sur 5 ans en pourcentage du CA (point appréciable : bonne mise à l’échelle) mais un peu élevé, même pour des standards français, puisqu’autour de 34 % du CA. Les frais de R&D sont capitalisés mais leur valeur brute est quasi stable depuis plus d’un an (environ 13 M€) et donc ils diminuent en valeur nette. L’amortissement sur 5 ans des frais de R&D est un peu laxiste pour des produits qui ne trouvent pas toujours de marché. Typiquement, l’effort de R&D pour développer le groupe LEA avec la technologie CPL n’a absolument pas délivré ses promesses. Les méthodes pour provisionner les créances clients sont en revanche conservatrices et rigoureuses.
Appliquons une méthode de valorisation des small caps fondée sur 4 critères :
- un critère équipondérant le ratio EV/EBITDA et le FCF yield par rapport à la moyenne des compétiteurs,
- un critère du P/B tangible rapporté à celui des compétiteurs directs,
- la formule de Graham très conservatrice (EPS dilué, choix de la croissance minimale ou nulle, etc.)
- un DCF conservateur.
Nous avons sous-pondéré les critères par rapport aux compétiteurs car les plus proches en termes de taille et de marchés (Belkin, Dune) sont privés. Cette méthode avait été appliquée à Xeikon, BESI, Jacquet Metal ou Picanol. Nous trouvons pour HF Company une valorisation de 7,8 € soit une marge de sécurité de 23 % début 2014, positive mais un peu faible pour une entreprise à la croissance incertaine.
Pourquoi 2012 a vu un résultat net très négatif ? C’est à cause d’une forte dépréciation des écarts d’acquisitions (le goodwill) de 11,4 M€. En effet, tenant compte de la forte baisse du CA du Groupe LEA sur 2012 liée à l’arrêt du principal contrat CPL, HF a constaté une dépréciation sur l’écart d’acquisition de l’unité Haut Débit / CPL fin 2012. Il ne s’agit pas d’une vraie sortie de cash mais l’avenir a donné raison à cette dépréciation. En effet, le CPL s’est avéré un échec marqué avec diminution du CA en 2012 (et en 2013 !) donc diminution du cash et sans doute du niveau de dividendes. L’année 2012 a vu un gros remboursement d’emprunt de 5,3 M€. Les risques de faillite ou de ne pas être en mesure de rembourser ses créanciers sont assez faibles pour HF Company donc peu d’inquiétudes de ce point de vue.
Conclusion
Selon nous, le dossier doit être compris et valorisé comme celui d’une nanocap, potentiellement, en phase de redressement soit de façon très conservatrice car la capacité bénéficiaire et de croissance sont incertaines (les derniers résultats confirment fortement cette analyse écrite en fin d’année). L’histoire récente est révélatrice : après avoir été les rois de la TNT (gros CA sur plus de 2 ans), ils ont tenté le cap du CPL (courant porteur en ligne, technologie très élégante mais qui n’a pas percé). HF Company s’est retrouvée en rase campagne après un échec cuisant sur le CPL. HF veut maintenant se concentrer sur la « confortique » alors que le mot n’apparaissait même pas dans les rapports annuels il y a trois ans. La faiblesse du ROIC confirme cette absence de moat ainsi que le nombre et la dureté des compétiteurs. Si l’on exclut l’année dernière, on a depuis 5 ans un ROIC oscillant entre 9 % et 3 % avec une nette tendance baissière.
Détaillons cette absence d’avantages compétitifs : début 2011, Yves Bouget le PDG de HF Company annonçait que « le CPL devrait représenter 25% de notre chiffre d’affaires en 2012, soit une masse de l’ordre de 50 M€. » et il ajoutait « que la fibre optique était une erreur et que le CPL allait procurer à HF Company un avantage concurrentiel majeur sur ses marchés ». L’avenir s’est révélé fort différent : « arrêt non programmé en 2012 du plus important contrat CPL du Groupe » et chute libre du business CPL en 2012 et 2013 ! Dès lors, il est très ardu de prévoir les relais de croissance pour HF Company.
D’après l’entreprise, les relais de croissance seraient : DVB T2, la Radio Numérique Terrestre (RNT), le Home Networking et/ou le très Haut-Débit (et nous en avons vu comment, en seulement 1 an, l’entreprise s’était trompée sur le CPL). Concernant la RNT, nous sommes dubitatifs : seulement 3 villes seront ouvertes à la RNT en 2014, et surtout, tous les grands groupes privés (NRJ, RTL, Lagardère Active, etc.) et le groupe Radio France ne veulent pas y participer en 2014. Donc le marché sera microscopique en 2014. Quant aux équipementiers télécom européens, leur faible rentabilité actuelle ne présage pas d’une reprise forte des investissements en 2014 dans le DSL ou le CPL. Le Home networking est un relais plus crédible mais il dépendra beaucoup de la vigueur de la croissance en France et de la reprise de la consommation des particuliers français et européens.
Bon point : il y a des rachats d’actions (modérés). La structure capitalistique est très intéressante : le public est majoritaire avec environ 73 % et le management possède une part appréciable avec 23 % (notamment le PDG). Le management est à la fois motivé pour que l’action monte sans toutefois avoir de minorité de blocage. Les investisseurs institutionnels sont peu présents avec trois principaux : Banque Privée Edmond de Rothschild (9 %), Fidelity Management et Toqcueville Finance aux environs de 5 %.
L’année 2013 et les chiffres (partiels) ne font qu’amplifier ces conclusions : CA en baisse de 15,4% avec la descente aux enfers du CPL qui continue. De plus, tous les segments produits sont en baisse ou en stagnation excepté le haut débit. En revanche, le résultat net est à nouveau positif et, si stable sur l’année, représentera 0,54 € par action pour 2013. Toutefois, on découvre une autre (petite) « contradiction » stratégique concernant TONNA cette fois. En effet, il y a 3 mois, HF Company déclare : “Dans l’attente, la stratégie de HF COMPANY reste inchangée : maintenir sa participation au-dessus de 5% pour rester un acteur incontournable à terme dans l’évolution stratégique de TONNA”. Or dès le 9 décembre 2013, HF Company franchissait en baisse le seuil de 5 % des droits de vote dans Tonna.
Enfin, les ventes d’actions des initiés juste avant profit warning sont un risque. Il y a un cas d’école : le profit warning du 9 mai 2011. Des volumes de ventes anormaux la veille et l’avant-veille du profit warning ont entraîné une baisse marquée. Il ne s’agit pas d’une affirmation (lourde d’implications) mais d’une suspicion de fuites avec toutes les conséquences négatives pour l’actionnaire lambda.
En résumé, HF Company est une belle PME française flexible (félicitations pour le travail accompli) possédant une valorisation positive et un gros upside : si la croissance revient vu le niveau de cash et la maîtrise de coûts menée par la direction, l’action peut être multipliée par deux. Cependant, elle présente une marge de sécurité et une probabilité de réussite trop faibles selon nous pour investir sereinement. Un investisseur moins sensible aux risques pourrait être intéressé par les perspectives positives et le (probable) dividende élevé mais en toute connaissance de cause.
(L’une des raisons de cet article était de montrer pourquoi on n’investit pas parfois malgré de bons fondamentaux. Les articles sont souvent des articles concernant des valeurs dans lesquelles nous sommes investis ou nous voudrions investir. Ici, il s’agit d’une valeur que l’on ne compte pas acquérir tout en lui reconnaissant de nombreuses qualités mais une marge de sécurité insuffisante.)
Belle Analyse, je partage pas mal de point mais pas la conclusion notamment sur la marge de sécurité….La valorisation d’HF est ridiculement basse, la rentabilité est certe moyenne mais la boîte est bien géré et génère un bon cash flow. Ils ont commis quelques erreurs comme tu l’as très bien noté mais on su limiter les dégâts. En ce moment sur le marche en matière de risque rendement il n’y a a mon sens pas mieux q´HF….bien sur je peux me tromper.
Bonjour youss84, en fait nous sommes d’accord !
Je ne pense même pas qu’ils aient vraiment commis des erreurs : ils ont très mal « prédit » le marché mais ce n’est pas une erreur en soi, je vois plutôt ça comme un révélateur de leur absence de « moat » et de la dureté des compétiteurs dans leurs marchés. Je trouve qu’ils font peu au contraire du très bon boulot (bonne gestion des coûts, du free cash flow, etc.) mais ils sont dans un environnement très difficile aussi…
Dans mon univers d’investissement axé value, marge de sécurité et portif relativement faible en nombre de lignes (à peine 20), je trouve que HF ne correspond pas. En revanche, la boîte a suffisamment de bons fondamentaux pour plaire, à juste titre, à d’autres types d’investisseurs : axé rendement (ATTENTION toutefois : rien ne dit que le dividende 2014 restera le même en valeur absolue !) ou avec beaucoup plus de lignes (je vais faire une réponse en ce sens ci-dessous)
Intéressant Jérôme mais, vu de loin, et pour une boîte française ça me semblait au contraire une bonne daubasse et/ou une bonne schlossienne… ne seriez-vous pas un peu difficile ?
Salut Steph, je te tutoie comme on se connait… 😉
Je te réponds plus rapidement que dans l’email envoyé mais pour les autres lecteurs : pour mon type d’approche, la valeur ne correspond pas et est, assez nettement, « trop » risqué (en fait elle l’est peu mais je suis difficile sur la marge de sécurité pour des micro caps ! et il faut, pour des big caps ce serait différent).
Mais pour des portifs à la Walter Schloss voire à la Graham avec 50, 60 lignes voire plus, HF Company convient bien (à mon avis, ce n’est pas un conseil). Dans mon portif, la plus petite ligne pèse 3% là où dans de nombreux portifs de très décotés, on est plutôt autour de 1% voire mois…
Bonjour,
les mauvais résultats de HF Company perdurent. La VANT est passée à 8,50 EUR et la NCAV sous les 6 EUR. HF Company n’est donc plus une net-net, et elle ne procure plus qu’une maigre marge de sécurité de 25% sur les actifs tangibles…
Même si les marchés ont beaucoup monté ces derniers temps, il existe encore bon nombre d’opportunités deep value bien plus intéressantes. Je ne peux donc que partager le point de vue de PoliticalAnimal. Cependant, étant encore actionnaire de la société, je garde encore mes titres jusqu’à ce que leur cours s’ajuste à la VANT, fidèle à ma stratégie.
J’en profite au passage pour le remercier chaleureusement pour son article, qui épouse parfaitement la philosophie de valeurbourse.
Bonjour,
bien sûr tout dépend du prix. A 6,60 € (aujourd’hui) il me semble que la marge de sécurité est faible. A 4,70 € (mon PRU) je considérais que je faisais une affaire.
JL
Mise à jour, résultats 2013. Le FCF est de 1,33€/action. Ca vaut clairement plus que 6,6 € !
« HF Company: résultat net 2013 en forte hausse.
17/03/2014 – CercleFinance.com
HF Company, spécialisé dans la conception et la commercialisation de matériels de réception et de transmission de signaux haute fréquence, annonce que le résultat net (hors perte de valeur sur écart d’acquisition) est ressorti à 1,7 million d’euros en 2013, plus de quatre fois supérieur à celui de l’exercice précédent.
HF Company a généré sur cet exercice un cash-flow opérationnel de 6,4 millions d’euros et un cash-flow libre de cinq millions d’euros qui ont permis au groupe de poursuivre son désendettement et de multiplier par trois sa trésorerie nette, à 4,7 millions d’euros.
Le chiffre d’affaires 2013 s’est établi à 95,4 millions d’euros, en baisse de 15,4% par rapport à l’exercice précédent.
Cette évolution s’explique principalement par l’effet de base provoqué par l’interruption du contrat CPL au 3ème trimestre 2012 ainsi que par la fin des switch-over en Europe.
Au vu du contexte économique, de la disparition de certains effets de base négatifs et du plein effet des prises de référencement réalisées en 2013, HF Company envisage favorablement l’exercice 2014, le retour à la croissance devant se faire sentir à compter du second semestre.
Fort de ces perspectives de croissance, d’un désendettement quasi complet et de la récurrence de la génération de cash-flow, le conseil d’administration proposera aux actionnaires le versement d’un dividende de 0,5 euro par action à la prochaine assemblée générale du groupe qui se tiendra le 20 juin 2014, correspondant à un rendement de 7,7% au cours de clôture du 16 mars. »
Oui, j’ai bien fait de rester sur le dossier; sur les ratios c’est beau quand même. Une entreprise bénéficiaire à ce prix là, c’est cadeau (pourtant rentré assez tard à 6, mais avec la news d’un résultat positif). Le plus gros problème c’est le CA, à la moindre indication d’une amélioration, et hop, on décolle.
0,5 euros de dividendes, çà va permettre de patienter un peu, en espérant une remontée du cours. On est à 7% de dividende et la boite à de quoi le financer, plutôt confortable.
Bonjour Wawawoum,
encore fallait-il savoir que l’entreprise allait redevenir bénéficiaire. Et je me permets de rappeler que ce n’était vraiment pas gagné il y a encore quelques semaines, après plus de deux ans de grosses pertes.
Personnellement, je trouvais récemment le pari devenu osé, avec une sécurité résiduelle sur les actifs assez ténue. Et je ne cache pas que j’ai hésité à m’alléger.
Mais l’histoire n’est pas encore terminée…
Ils avaient annoncé qu’ils seraient bénéficiaires (pas de combien), lors de leur annonce de chiffre d’affaire. Du coup, personnellement, je trouvais une entrée à 6 plutôt sûre, même avec un CA en chute libre.
À présent, ils annoncent un retour à la croissance au S2, qui ne se matérialisera pas peut-être, mais je leur laisse le bénéfice du doute pour l’instant, ils ont l’air de bien connaitre leur entreprise.
Une interview du PDG, cela vous intéressera certainement : http://www.labourseetlavie.com/videos/entreprises-strategie-et-resultats/interview-yves-bouget-pdg-hf-company,1589.html
Merci Etienne pour ce lien.
HF Company a racheté plus de 200 k€ de ses titres autour de 10 € sur avril-mai 2014. Bravo à la direction !
Je garde 🙂