Code : 4659
Cours au jour de l’analyse : 2.094 ¥ (15,29 €)
Capitalisation : 126 M€
Flottant : 49,98%
Crée en 1978 à Tokyo, All Japan Inventory Service Co (Ajis Co) est le leader au Japon du service d’inventaire, avec 77% de parts de marché. Le groupe emploie 805 salariés dans 43 sites. Ses clients se trouvent principalement dans la grande et la petite distribution. Le fondateur, avec sa famille, possède près de 35% des parts du groupe.
Présentation de la société
Avec Ajis on change des traditionnelles japonaises industrielles que j’ai désormais l’habitude de présenter sur ce blog. Car Ajis est en effet une pure société de services. Sa philosophie est de décharger ses clients de la lourde tâche d’inventaire. Pour une entreprise, l’objectif principal d’un inventaire est d’identifier et quantifier ses stocks avec le plus de fiabilité possible. Pour être bien accomplie, cette tâche nécessite la mobilisation d’équipes formées, intègres et rigoureuses, sous peine d’obtenir des erreurs de comptage qui conduisent à des anomalies coûteuses à corriger par la suite. De plus, cette tâche laborieuse, qui doit être effectuée au minimum une fois par an, et qui demande une grosse quantité de travail, requiert généralement la suspension d’une partie de – voire toute – l’activité de l’entreprise, avec les effets directs sur le chiffre d’affaires et l’impact sur la clientèle.
L’externalisation de l’inventaire est donc un service très utile aux entreprises. Et chez Ajis, on se plie en quatre pour son client, en lui proposant un service d’inventaire au sens large qui comporte des prestations allant de la réalisation des inventaires en dehors des horaires d’ouverture des magasins à l’enquête de satisfaction des clients, en passant par l’optimisation du rayonnage ou de l’agencement du magasin.
Curieusement, le Japon est un pays très faiblement informatisé, où l’administratif est encore dominé par le papier. Même si au début de son premier mandat, Shinzo Abé a incité les entreprises et contraint son administration à investir dans l’informatique, il reste encore un travail colossal à faire. C’est une chance pour Ajis qui possède déjà une solution logicielle avancée et dont ses clients pourront davantage bénéficier au fur et à mesure qu’ils s’informatisent.
Ajis ne possède donc pas d’usine, et sa principale ressource est constituée de ses salariés. C’est un gros point faible. D’une part en raison de difficultés de recrutement propres au Japon, il y a une réelle inflation salariale. Et d’autre part, il n’y pas de possibilité d’augmenter la marge en investissant, comme le font les industriels, dans l’automatisation.
Un métier en perte de vitesse
Face à un marché japonais de la distribution en perte de vitesse (notamment en raison de la démographie), la société a mis en place il y a quelques années un plan stratégique visant à poursuivre la croissance, articulé autour de trois axes :
- L’augmentation du chiffre d’affaires par client, en proposant des nouveaux services connexes très variés comme la gestion des ressources humaines (formation et intérim), l’optimisation des magasins (rayonnage, gestion des promotions, vérification des dates de péremption et de l’étiquetage, …), le réapprovisionnement ou encore les enquêtes de satisfaction des clients et des salariés. Ajis Co se veut être le partenaire indispensable de ses clients.
- L’internationalisation. Dès 2003 le groupe s’est déployé en Corée du Sud, puis en Chine (2004), en Malaise (2009), en Inde et en Thaïlande (2011), au Viêt-Nam et aux Philippines (2016) puis tout récemment à Hong-Kong et Taïwan. Au final, Ajis Co est présent dans les pays les plus dynamiques de l’Asie du Sud-Est. Cet automne, le groupe va s’implanter aux Etats-Unis via la création d’une filiale add hoc.
- La recherche de clients hors secteur de la distribution. C’est ainsi que parmi ses clients, Ajis Co compte des entrepôts, des fabricants, des restaurants, des pharmacies, ainsi que des bibliothèques et des universités publiques.
Pionnier du service d’inventaire au Japon, Ajis a vécu une trentaine d’années de croissance extrêmement rentable. Mais il fait face depuis une petite décennie à des problèmes structurels, en partie endémiques, qui plombent son activité historique. Ainsi, depuis neuf ans, les ventes du groupe au Japon s’effritent au rythme de celui du marché de la distribution. En cause, d’un côté la baisse du taux de natalité qui affecte le secteur de la distribution, et de l’autre une concurrence commerciale accrue combinée à des difficultés de recrutement. Les dirigeants ont très tôt eu conscience de ce problème et ont développé deux nouveaux axes de business que sont l’Assistance et l’International. C’est par sa grande proximité avec ses clients et des gros investissements dans la formation de ses salariés que ces deux activités ont pu décoller. Et comme le montre le tableau ci-dessous, c’est grâce à l’Assistance que jusqu’ici Ajis a réussi à maintenir son chiffre d’affaires consolidé et à conserver un haut niveau de marge opérationnelle (toujours supérieur à 15%) :
La direction, qui ne se satisfait pas d’un chiffre d’affaires étal sur ces dernières années, déclare vouloir continuer à développer l’Assistance et l’International à gros coups d’investissement. Même si cela semble être une bonne idée, je vois deux problèmes à cette stratégie :
- L’Assistance est bien moins rentable que le service d’inventaire. Une croissance de l’Assistance devrait mécaniquement engendrer une baisse de la marge.
- Au vu de l’historique du groupe à l’étranger (encore en pertes en 2022), on peut douter de sa capacité à étendre son savoir-faire hors du Japon. D’autant plus que le chiffre d’affaires y est encore extrêmement faible et ne saurait constituer un vrai pôle avant plusieurs années. L’ambition de développement aux Etats-Unis est d’autant plus surprenante que ce pays est déjà totalement outsourcé.
Une importante décote…
Le marché doit également douter de cette stratégie puisque Ajis se paie moins de 7x ses bénéfices de l’exercice 2021 (terminé en mars 2022). Le cours est passé de 4.100 ¥ à 2.100 ¥ en dix-huit mois.
Pourtant, la société a des atouts. Outre le fait que les dirigeants semblent combatifs et créatifs, il faut noter que :
- Le groupe est assis sur une trésorerie nette de dettes financières de 110 M€, soit 87% de sa capitalisation.
- Le groupe possède 21,8% de ses propres titres.
- La direction du groupe tient des propos encourageants et anticipe une hausse du chiffre d’affaires et des bénéfices pour 2022 et 2023.
… Mais un possible catalyseur
Et enfin, j’ai récemment remarqué la présence au capital du fonds activiste Hibiki Path Advisors spécialisé dans les small caps japonaises très décotées. La stratégie de ce fonds est de prendre des participations significatives dans les sociétés de qualité surcapitalisées (assises sur une grosse trésorerie dormante) et de faire pression sur leur management afin qu’ils retournent tout ou partie de cette trésorerie aux actionnaires, sous forme de dividendes et/ou de rachat d’actions. En cas de succès, la perception du marché sur la société peut radicalement changer et ainsi réduire fortement la décote. Il semblerait que le travail de ce fonds commence à payer puisque Ajis s’est tout récemment engagé à distribuer 30% de ses bénéfices à ses actionnaires. Même si c’est encore bien insuffisant, cela va dans le bon sens.
Conclusion
La direction a démontré sa combativité et entrepris des mesures fortes, comme le développement aux Etats-Unis. Et malgré un bilan conservateur, le groupe, grâce à l’action du fonds a devient soucieux de ses actionnaires et s’est tout récemment engagé à leur distribuer 30% de ses bénéfices. Ainsi, même si les perspectives de croissance semblent limitées à court terme, le groupe devrait toutefois pouvoir bénéficier de son savoir-faire et de sa relation privilégiée avec ses clients. La sortie du coronavirus, qui pèse sur le secteur de la distribution, devrait également contribuer à retrouver le chemin de la croissance. D’autre part, la plantureuse trésorerie et la forte part d’actions auto-détenues sont deux confortables matelas de sécurité au cas où le plan ne fonctionnait pas comme prévu. Ainsi, l’investisseur patient pourra espérer un retour à un cours à 4.000 ¥ et bénéficiera en attendant d’un rendement minimal de 4%.
Merci pour cette nouvelle analyse de japonaise très détaillée sur le marché et les activités.
Quel est la part de l'international actuellement ? Car même en pertes, c'est une issue indispensable à AJIS. Sinon, l'entreprise se dirige vers un lent – mais assuré – déclin sur le seul marché japonais. Il faut y aller,même à pertes dans un premier temps pour prendre des parts de marché.
Sauf si je me trompe, le bénéfice par action est déjà calculé hors autocontrôle. L'intérêt d'une annulation définitive des actions propres détenue serait surtout une assurance que ces actions disparaissent pour toujours et ne soient pas redistribuées d"une façon ou d'une autre. Bref, d'acter que cet auto-contrôle à vocation à être annulé.
Merci Franck pour le commentaire.
Je ne connais pas précisément la part de l’international, mais elle me semble faible. Attaquer le marché US me semble assez courageux quand on sait que d’une part il est aussi mature que celui japonais et que d’autre part, Ajis s’est créée à partir de ce qu’il se passait aux US à l’époque ! Mais il semble que Ajis dispose de nombreuses forces dans sa capacité à servir ses clients. A priori le déclin observé ces deux dernières années n’est pas structurel, mais plutôt conjoncturel en raison de la covid. Je crois à un retour à la croissance du marché domestique, même si elle sera faible.
Concernant le bénéfice par action, il est en effet calculé hors autocontrôle. J’ai supprimé la phrase erronée dans l’article, merci.
Je pense que le fonds activiste va tout faire pour que ces actions soient annulées.