nous vivons une période éprouvante mais fascinante qui n’est malheureusement pas sans rappeler certains films de science-fiction apocalyptiques dans lesquels pour sauver les hommes, il faut laisser mourir l’économie. C’est ce dilemme en tête que les marchés ont vécu en mars une crise de panique historique, alimentée par la perspective de la fin du système tel que nous le connaissons. Mais en parallèle de l’avancée du confinement dans les pays qui l’ont imposé, prouvant ainsi que la crise sanitaire peut être au pire contenue dans l’attente de traitements, et des annonces de mesures financières sans précédent de la part des gouvernements, les marchés semblent avoir finalement trouvé un point d’équilibre entre une sortie de la crise maîtrisée mais ruineuse et une longue dépression.
Dans une situation aussi incertaine, où l’activité est quasiment à l’arrêt, que les faillites commencent à pleuvoir, et que les gouvernements annoncent une récession jamais vue depuis la guerre de 40, il y a matière à douter du rebond que nous observons ces jours-ci. Le marché est-il trop optimiste ? Sans pour autant adhérer à l’idée d’un second krach, je le crois, et m’attends à une période à forte volatilité. Alors que faire ?
Suivant son tempérament et son expérience l’investisseur peut être tenté de liquider son portefeuille, ou au contraire de se renforcer, ou d’adopter une attitude prudente et progressive. Le débutant peut se trouver démuni face à ses émotions qui le poussent à se couper la main avant que tout le bras y passe : plus les marchés baissent et plus la tentation de vendre est forte. Certains peuvent même avoir l’idée de vendre pour « se faire des liquidités » et « racheter plus bas ». Rien de plus humain, même si l’expérience prouve que cette stratégie est rarement payante. Mais quand on est dans une crise, on se dit toujours que cette fois c’est différent, que cette fois-ci ça va vraiment s’écrouler… Dans les faits, chaque crise est unique, mais possède toujours une fin.
Dans ces temps de doute, il est toujours bon de se rappeler les paroles de sages. Ainsi, au cas où le hasard ferait qu’un investisseur débutant lise ces lignes en se posant la question de quoi faire avec son portefeuille, je me permets de citer Warren Buffett :
« Charlie and I never, to the best of my memory, ever turned down an acquisition based on macro factors ».
En complément de cette citation, je rappelle que Buffett a racheté See’s Candy et BNSF (deux de ses meilleurs investissements) dans des périodes difficiles. Vous l’aurez compris : ma réaction face à la crise a été de ne rien faire, ou presque. Mon portefeuille est d’ailleurs aujourd’hui très proche de ce qu’il était au début du mois de février. Je me suis débarrassé de sociétés dont la dette devenait dangereuse et renforcé quelques lignes solides. Il me reste encore un peu de trésorerie (5 %) que je compte investir avec parcimonie, dans de belles sociétés au rabais, ou dans certains cas marginaux de sociétés avec une énorme capacité de rebond qui bénéficieraient à plein d’une soudaine amélioration de la macro économie. Et ce ne sont pas les cibles qui manquent, ce qui pourrait d’ailleurs faire l’objet d’un autre article.
La performance du portefeuille au 31 mars 2020 est de – 25,54 %.
Mouvements du portefeuille
Outre les mouvements indiqués récemment, j’ai fait l’acquisition de titres Peyto, une gazière canadienne dont le cours a été divisé par plus de 20 ces trois dernières années, malgré un cash-flow positif et un dividende régulier qui offre au cours actuel un rendement de 15 %. L’idée sous-jacente est qu’avec la fin programmée du pétrole de schiste, les cours du gaz vont reprendre de la hauteur.
J’ai également acquis des titres de Total Gabon sous les 100 €. Ça me semble vraiment pas cher pour une société qui cote au niveau de sa trésorerie nette et qui possède des gisements pour encore une large décennie d’exploitation. Je n’ai pas de doute quant à la remontée des cours du pétrole à moyen terme, et je ne vois guère plus de risques géopolitiques au Gabon qu’ailleurs. Dans une situation normalisée (hors coronavirus et hors crise pétrolière), Total Gabon serait une des valeurs les moins chères de mon portefeuille.
Actualités des sociétés
Akwel
Le chiffre d’affaires a progressé de 3,7 % en 2019, ce qui correspond à une surperformance d’environ 9 % par rapport à la production automobile mondiale, qui est en baisse. Cette croissance est portée par les activités refroidissement (gains de parts de marché et développement de pièces pour les moteurs hybrides), admission d’air et carburant (repositionnement vers les motorisations essence). J’attends les résultats, qui devraient afficher une hausse de la rentabilité opérationnelle.
Face au manque de visibilité, Akwel a moins investi que les deux dernières années, et a profité du free cash-flow ainsi libéré (24,2 M€) pour réduire encore l’endettement (à 24,6 M€ contre des fonds propres que j’estime à peu près à 500 M€).
Cie des Chemins de Fer Départementaux
La société, toujours aussi discrète, n’a pas encore communiqué au sujet de son exercice 2019. En revanche, j’apprends que la société Dr. Brandt a été cédée, mais pas à qui ni à combien. L’ayant estimée à la grosse louche à 1,8 M€, et a priori valorisée à 0 dans les comptes, on devrait avoir une petite plus-value sympathique.
Cofidur
Cofidur vient de publier son rapport annuel. Il y a du bon et du mauvais. Le chiffre d’affaires baisse de 8,54 % (à périmètre constant, puisque les activités de Cherbourg ont été vendues en 2018), le résultat net chute à 1,2 M€ malgré des reprises de provision, et la marge nette recule encore pour atteindre 1,75 %. Côté bonnes nouvelles, la capacité d’autofinancement est en forte hausse par rapport à 2019 (+71 %, pour donner une idée). Et grâce à une variation du BFR très favorable (on parle quand-même de plus de 5 M€), le bilan s’améliore encore avec une trésorerie nette de dettes financières à 344 €/action (contre un cours de bourse de 254 € !). De quoi se protéger de la difficile période qui attend le groupe.
Exacompta Clairefontaine
Fidèle à son habitude, Exacompta publie un compte de résultat mitigé, avec un bénéfice net de 17 M€. Il ne faut pas s’y tromper, ce bénéfice ne reflète pas du tout la réalité puisqu’il intègre un badwill de 4,3 M€ consécutif à l’acquisition d’Eurowrap. Alors que j’espérais un bénéfice en hausse suite à la baisse des cours de la pâte à papier, la direction indique ne pas avoir pu répercuter la hausse des prix des matières premières à ses clients. La décote sur les fonds propres passe quand-même à 72 % !
Gaumont
La société nous avait avertis lors d’une précédente communication que l’exercice 2019 allait accuser une forte perte. Ce n’était pas un mensonge puisqu’en effet, la perte est de 38,5 M€, à comparer à une perte de 8,8 M€ en 2018. Pourtant, le chiffre d’affaires est en hausse de 8%, tiré notamment par la production télévisuelle avec les séries américaines (comme Narcos Mexico pour Netflix et El Presidente pour Amazon) et les fictions et documentaires européens. Curieusement, la direction a estimé nécessaire l’amortissement de son catalogue en raison de « durcissement des conditions de vente », si bien que cette hausse du chiffre d’affaires se traduit par une lourde aggravation des pertes. On voudrait baisser artificiellement la valeur de la société qu’on ne s’y prendrait pas autrement. La ficelle est quand-même bien grosse. D’ailleurs, dans son édition du 12 mars, le journal les Echos relatait le mécontentement de certains minoritaires qui pensent à peu près ce que je viens d’écrire.
Cela dit, Gaumont a également investi dans son avenir en renforçant ses activités aux Etats-Unis et en préparant le lancement des filiales en Allemagne et au Royaume-Uni, pour un coût global de structure de 52 M€ contre 44 Me en 2018. Il n’y a donc pas que des pertes « artificielles » dans cette annonce.
Au final, ce seront treize films qui sortiront en 2020 (tous déjà tournés) contre dix les deux dernières années. Cela augure d’une bonne année 2020. C’est d’ailleurs ce qu’exprime Nicolas Seydoux dans une interview donnée avant la crise du coronavirus, où il explique que les difficultés aux USA sont derrière nous et qu’on peut s’attendre à ce que 2020 soit meilleure que 2019 et que 2021 sera encore meilleure. C’est sûr, on ne peut pas déprécier chaque année tous les actifs d’une société en croissance.
Groupe Bogart
Chiffre d’affaires 12 mois | 164,7 | 302,3 | +83,5% |
Marques Parfums/Cosmétiques | 44,2 | 50,5 | +14,3% |
Boutiques en propre | 120,5 | 251,8 | +109,0% |
Pré coronavirus, le communiqué de Groupe Bogart était très optimiste, avec un agréable flot de bonnes nouvelles.
Tout d’abord, à l’issue de l’exercice 2019, le chiffre d’affaires du groupe s’élève à 302,3 M€, ce qui représente une hausse de 80 % du chiffre d’affaires par rapport à 2018. Le groupe prévoit une progression très significative de son EBITDA en 2019 par rapport au proforma 2018 de 10,8 M€, Distriplus s’étant fortement redressé et contribuant positivement sur 2019. Le Groupe rappelle que les pleins effets des leviers stratégiques mis en place pour continuer à améliorer la rentabilité sont attendus pour l’exercice 2020.
Ensuite le communiqué rappelle la poursuite de sa stratégie de croissance externe avec le rachat aux parfumeries Gottman de 8 boutiques en Allemagne afin d’y compléter son maillage territorial. La contribution au chiffre d’affaires de HC Parfumeries sera d’environ 10 %. Après cette acquisition, Groupe Bogart comptera donc 95 parfumeries en Allemagne et au total un large réseau de 390 magasins sur l’ensemble de ses territoires (Belgique, Luxembourg, Allemagne, France et Israël). Le groupe ne compte pas en rester en là en déclarant rester à l’écoute d’opportunités pour continuer à élargir son réseau de distribution en propre en Europe.
Le Bélier
Le chiffre d’affaires 2019 en baisse de 10,9 % et le résultat de 3,7%. Le niveau de commandes, même s’il est retardé reste bon pour 2020. La situation du bilan est toujours excellente avec une trésorerie nette de 9,2 M€. La Chine accuse le coup du coronavirus, mais le groupe anticipe un rebond au second semestre.
L’opération d’achat par Wencan n’est pas menacée à ce jour mais se fera au plus tôt au troisième trimestre 2020.
Linedata
Le chiffre d’affaires 2019 a reculé de 2,1% à 169,7 M€, ce qui correspond à peu près au niveau de 2018 (à 173,2 M€), comme la direction l’indiquait au T3. Hors contrat BOT perdu fin 2018, l’activité aurait été en hausse. Hors effets IFRS, le résultat opérationnel progresse de 2,9 %. Le résultat net est en baisse de 11,4 %, à 2,69 € par action (contre 2,85 € en 2018) principalement en raison d’une hausse de l’imposition. Le groupe a continué d’investir et prévoit pour 2020 d’autres investissements, mais n’a communiqué aucun objectif chiffré. Un dividende de 1,8 € va être versé au titre de l’exercice 2019.
Mg International
Les années passent et se ressemblent pour Maytronics France qui continue à grossir, avec un chiffre d’affaires à 47,5 M€ (+13%) et un bénéfice à 1,85 M€ (+12%). T tous les segments sont en croissance, à l’exception de Poséidon (sécurisation des bassins collectifs), qui pâtit d’une concurrence accrue et l’émergence de nouvelles technologies. La société rassure au regard de la crise du coronavirus en précisant qu’elle dispose de stocks élevés.
NSC Groupe
Les résultats 2019 son mauvais, voire très mauvais. Le chiffre d’affaires a baissé de 16 %, l’ensemble des activités étant en repli en 2019. Le résultat passe d’un bénéfice de 3,2 M€ à une perte de 8,2 M€, dont 2 M€ sont dus à des dépréciations de NSC Packaging, dont l’avenir est incertain. Les fonds propres ne représentent plus que 46,3 M€. La décote sur la VANT redescend à 34,7 % avec des perspectives pour 2020 peu encourageantes, avec notamment une demande de mise en règlement judiciaire de NSC Packaging. Deux petites consolations : la trésorerie nette de dettes reste cependant positive à 5,9 M€, et la société a racheté 44 424 de ses titres au premier semestre.
Partouche
Avec la fin des travaux de rénovation de plusieurs casinos (le déplacement du casino de Pornic et la restructuration de celui d’Aix-en-Provence, notamment), la sortie du plan de sauvegarde par le remboursement anticipé des sommes dues au titre du crédit syndiqué, et l’arrêt des poursuites judiciaires à l’encontre de deux dirigeants du groupe, je m’attendais à une belle année 2019. Et je n’ai pas été déçu : le chiffre d’affaires consolidé du groupe est en croissance de 5,5 % à 433,5 M€ et surtout le groupe enregistre un doublement de son résultat net en 2019 à 25 M€, contre 12,6 M€ en 2018. Dans ce résultat net, la part du Groupe triple à 18,6 M€ contre 6,2 M€ précédemment.
Sur les 38 casinos en concession, 2 arrivent à échéance en 2020, et Partouche pourrait potentiellement perdre la concession de l’un d’eux. En 2019, le groupe a perdu la concession du casino de Boulogne. Avec un Produit Brut des Jeux de 561 M€, Partouche reste le leader français en nombre d’exploitations de casino devant Groupe Joa (32 casinos pour 315 M€ de PBJ) et Groupe Barrière (26 casinos pour 720 M€ de PBJ).
Le groupe a continué de se désendetter en 2019, son endettement net représente à peu près 20 % de ses fonds propres, ou encore une fois l’EBITDA. C’est très bien, mais certainement trop peu au regard de la crise actuelle, Partouche fait clairement partie des sociétés les plus touchées par le coronavirus. Le groupe n’a pas communiqué à ce sujet, mais il faut s’attendre à une année difficile.
Plastivaloire
Le Groupe Plastivaloire a réalisé au premier trimestre 2019-2020 un chiffre d’affaires de 183,9 M€, en hausse de +8,8% (je rappelle que l’exercice de Plastivaloire est toujours décalé) porté par le secteur automobile (+13,5 %) qui bénéficie des investissements réalisés au Mexique et en Turquie. Le secteur Industrie, qui pèse 16,6 % du chiffre d’affaires est en baisse de 9,8 %. Le groupe confirme la baisse des investissements et son objectif d’augmenter significativement sa génération de trésorerie. Espérons que ce soit essentiellement pour désendetter le groupe.
Stef
Au 4ème trimestre, Stef a réalisé un chiffre d’affaires de 888 M€ en hausse de 2,6% (+1,6% à périmètre constant). Le groupe observe un ralentissement en France (+2,1% contre +5,6% à l’international) du fait du mois de décembre perturbé par les grèves et du ralentissement de la consommation alimentaire sur le territoire et d’un effet calendaire négatif.
Sur l’exercice, le chiffre d’affaires est en progression de 5,7% à 3 441 M€ (+3,9% en organique) et le résultat net de +6,2% malgré un résultat opérationnel en hausse de 18,7 %. Tout comme Linedata, le taux d’imposition a crû, à 36 % contre 27,5 %. Le free-cash flow hors IFR16 est de 60 M€. Le groupe constate une dynamique malgré une stagnation de la consommation alimentaire, et confirme le développement de son modèle à l’étranger, la spécialisation des activités transport et logistique et la sécurisation du transport maritime, qui a coûté cette année 6 M€.
Thermador
Comme on pouvait s’y attendre, les résultats annuels de Thermador sont bons, avec notamment une hausse du chiffre d’affaires de 18,5% à 369 M€ (8,3% à périmètre constant), une hausse du résultat opérationnel de 8,6% à 48 M€ (8,2% à périmètre constant) et une hausse du bénéfice de 11,1% à 32 M€ (11.3 % à périmètre constant). Le ROCE et le ROE augmentent respectivement à 18,5 % et 15,3 % alors que la dette nette diminue. Tout va très bien. Un dividende de 1,80 € sera distribué.
Côté opérationnel, l’export atteint 19,3% des ventes. Le groupe annonce l’acquisition Thermacome qui apportera environ 20 M€ de chiffre d’affaires complémentaires et déclare lever le pied sur les acquisitions pendant les deux années afin de se concentrer sur l’intégration des dernières acquisitions. On peut espérer une amélioration des marges.
Grâce à une bonne gestion des stocks, le BFR est en diminution et la trésorerie nette passe à +23,3 M€.
Petit symbole : Guy Vincent largue définitivement les amarres du groupe qu’il a fondé cinquante ans plus tôt.