Dans un précédent article, je parlais brièvement de l’art d’être contrarien, sans pour autant en faire une règle absolue, et surtout pas au détriment d’analyses ou de rélexions personnelles. Car autant être contrarien est facile quand tout se passe comme prévu, autant ça l’est nettement moins la majorité du temps (car les choses se passent rarement comme prévu). Et dans ce cas, savoir résister à la pression du marché demande des convictions fortes.
A l’heure de la Cop 21, Philippe Verdier, ancien présentateur de météorologie, a publié un livre anti-conformiste (et donc contrarien) dans lequel il dénonce par de nombreux arguments la pression totalement exagérée des politiciens et des medias sur les citoyens au sujet du réchauffement climatique. La parution de son livre, Climat investigation, en 2015, lui a illico presto coûté son poste… Un des chapîtres que j’ai le plus apprécié est celui qui concerne une énorme erreur de raisonnement (incroyable de la part de soit-disant scientifiques) au sujet de l’extrapolation du climat : nos climatologues qui nous prédisent la fin du monde dès le siècle prochain se sont basés sur des tendances observées sur des périodes aussi longues que quelques dizaines de miliers d’années pour en déduire que notre réchauffement sur quelques décennies est « anormal ». Autrement dit, ces génies des mathématiques n’ont pas imaginé que des cycles de réchauffement ont pu avoir lieu sur quelques centaines d’années, tout simplement parce que leurs obsevrations ne peuvent pas être plus précises que quelques dizaines de milliers d’années. Dit d’une manière plus technique, une faible volatilité sur quelques dizaines de milliers d’années n’exclue pas une grande volatilité sur quelques centaines d’années. C’est bien entendu stupéfiant de voir ce genre d’erreur, mais c’est encore plus alarmant de voir les conclusions qui en sont tirées.
Heureusement pour les petits porteurs éclairés, le marché commet tous les jours de telles erreurs en bourse. Etre contrarien, c’est d’abord déceler ces erreurs pour ensuite en profiter en douce. Le risque se situe généralement à court terme, le temps que les marchés cessent de s’affoler et que les faits donnent raison aux rares investisseurs contrariens qui ont vu juste. Si je vous parle de cela, c’est que ce mois de novembre a été un des pires mois de ma vie d’investisseur en bourse, avec une perte de 7,48 %. Celle-ci s’explique par une chute libre de mes deux plus grosses lignes, très contrariennes : Sears (titres et warrants) et Chesapeake (obligations). Ces deux entreprises, dans une situation d’apparente extrême fragilité, sont pricées par le marché comme allant faire banqueroute très prochainement. Si j’ai investi dans chaucne d’entre elles, c’est précisément parce que je pense le contraire. Mais en matière de bourse on n’est jamais à l’abri de rien, et il faut avoir le coeur bien accorché pour voir partir sereinement plusieurs années de salaire en quelques jours… N’est pas contrarien qui veut !
Mouvements du portefeuille
Ce mois de novembre a été agité, et voici pêle-mêle les titres concernés. Je rédigerai à l’occasion du rapport annuel un point détaillé sur chacune des ces positions, aussi me permetté-je d’être succint ce mois-ci :
- Allégement de Chargeurs à 8,85 EUR. Le redressement a été spectaculaire et l’entreprise est désormais rentable. Elle se paye près de 10 fois ses cash-flows, ce qui est très convenable pour un business de pas très bonne qualité. Cependant, je garde encore quelques titres pour voir jusqu’où porteront les fruits du travail de l’ancienne direction.
- Renforcement de quelques warrants AIG à suite à un léger trou d’air. L’activiste Carl Icahn (encore lui) commence à se mêler de la partie…
- Création d’une ligne HCP à 35,59 EUR (j’aime les dividendes mensuels).
- Gros renforcement de warrants Sears SHLDW et vente de quelques titres Sears SHLD, la décote sur les warrants m’ayant particulièrement frappé.
- Création d’une ligne Seritage à 36,26 USD suite à la jolie baisse du titre (j’aime les dividendes trimestriels).
- Achat d’obligations Chesapeake et VanGuard (j’aime les dividendes semestriels). J’ai souhaité diversifier ma grosse position en obligations pétrolières. Sans une étude approfondie, j’ai cru comprendre que VanGuard est plus sûre à court terme que Chesapeake. Je vais devoir m’en assurer très prochainement. Merci à Reinanto de devenir-rentier.fr pour le tuyau.
- Transfert de mes titres Derichebourg de mon PEA vers mon compte professionnel. Hors de question de me séparer des titres de cette entreprise dont le retour est bien amorcé, mais apparemment passé inaperçu. Je me renforcerai si cela dure.
- Achat de la foncière MRM à 1,30 EUR (j’aime les dividendes annuels).
- Achat d’une daubasse présente dans ma watchlist depuis au moins deux ans. J’attendais que le cours de cette entreprise rentable et décotée sur ses actifs baisse un peu pour en acheter. C’est chose faite.
Nouvelles des titres du portefeuille
Il s’est passé beaucoup de choses sur mes titres, et je vais devoir botter en touche en reportant au mois prochain l’exhaustive liste de nouvelles, dans le cadre du rapport annuel. Mais pour vous faire patienter, voici quelques réflexions au sujet d’une de mes plus petites lignes :
Acces Industrie – Le troisième trimestre est le premier qui ne consolide plus les comptes de son ex-filiale marocaine, celle-ci ayant été en effet vendue pour un dirham symbolique. Le groupe ne compte donc plus que ses filiales espagnole et portugaise. Le chiffre d’affaires communiqué pour le troisième trimestre ne concerne que la France, et est en légère augmentation (+2,5%) par rapport au trimestre précédent, malgré une pression continue des prix , elle-même conséquence d’une baisse des permis de construire. Ce chiffre est donc en ligne avec l’objectif de la direction qui parvient à augmenter le taux d’utilisation de ses engins.
En me basant sur le rapport semestriel, je constate que la VANT se tasse légèrement aux alentours de 5 EUR, mais que le cash-flow est positif, à hauteur de 0,29 EUR par action pour le semestre, si bien que le groupe se permet encore de racheter une partie de ses dettes. Malheureusement, cela n’est pas encore suffisant, car d’une part la solvabilité est très faible (32% seulement) et le Quick Ratio, même s’il est 2,01, est basé à 56% sur des créances en augmentation (les clients rechignent à payer, au point que le groupe a dû faire appel à de l’affacturage). Le contexte reste encore bien difficile pour la construction, mais Acces Industrie me semble assez solide. J’attends.
Merci pour ce report que je lis toujours avec grand intérêt ! Et très bien vu pour Derichebourg. Par ailleurs, une petite coquille : HCP verse un dividende trimestriel et non mensuel.
Bonjour Esplendid, merci de votre commentaire.
Le cours de Derichebourg reprend quelques couleurs aujourd’hui, en effet. Heureux hasard.
Merci pour la correction au sujet d’HCP.
Bonne soirée,
Boris
Bonjour Boris ,
tout à fait d’accord sur le cas Verdier et l’enfumage généralisé…cet article de blog (excellent) avait d’ailleurs été écrit avant le licenciement du « contrarien » ;-(
http://h16free.com/2015/10/16/41962-cop21-la-propagande-climatique-continue-pour-rien
@mitiés
Merci, j’adore ce type d’articles.
Amitiés,
Boris
Vous vous êtes déjà demandé pourquoi les Américains prennent leur retraite en Floride ?
Je vous laisse lire les premières lignes la :
http://www.tripadvisor.com/Travel-g28930-s208/Florida:United-States:Weather.And.When.To.Go.html
Pourtant ils se prennent dans la tronche 1/3 des hurricanes des USA.
Conclusion : quand on est riche, le climat, on s’ en fout. Donc au lieu de renchérir le prix des énergies (et donc ralentir le développement de certains pays), ça serait plus utile de les aider à sortir de la pauvreté. Comme ça si réchauffement il y a, ils s’ en ficheront tout autant que nos retraités US en Floride.
Pour finir, notez la contradiction :
si vous avez un réchauffement élevé, c’est que vous avez beaucoup consommé de fossiles et donc que vous êtes dans un scénario de croissance économique soutenue… et donc qu’en 2100 le Bangladesh aura le double du PIB /hab des USA d’aujiurd’hui je vous laisse apprécier (à ma connaissance ce point n’est jamais soulevé publiquement alors que les scénarios économiques en input sont à la base des output d’émissions de CO2 et donc de température) :
http://www.ipcc.ch/ipccreports/sres/emission/index.php?idp=100
Le pire pour le climat c’est le A1.
Asia 2100 : 71 900 $1990 par habitant.
Moi je vote A1 🙂
Bonjour Geronimo, merci de votre commentaire, mais je crains n’avoir pas tout compris. Que voulez-vous dire exactement ?
Scénario à fort réchauffement = beaucoup d’émissions de CO2 = beaucoup de fossiles brûlés = forte croissance économique.
Forte croissance économique à quel point ? Dans le « pire » scénario climatique (scénario A1), l’hypothèse sous jacente est (par exemple) que l’asie aura un PIB par habitant de 71 900 $ par habitant en 2100 (en $ constant de 1990), soit un niveau de vie multiplié par 10 par rapport à aujourd’hui et le double de celui d’un américain d’aujourd’hui. L’africain moyen est à 66 500 $ par habitant donc il est très très riche aussi.
Bref, pour émettre tous les fossiles du pire scénario climatique, il faut aussi que les gens deviennent très très riches.
Et ce qu’on remarque avec (par exemple) le cas de la Floride et des USA d’aujourd’hui, c’est que quand les gens sont riches ils sont à peu près insensibles au climat et aux événements météorologiques.
Geronimo, en effet, le réchauffement climatique permettra l’essor économique de plusieurs zones du globe. Et par ailleurs, dans son livre, Philippe Verdier parle même de la France. C’est d’ailleurs intéressant de voir toutes les énergies mises en oeuvre dans notre pays à tenter de limiter le réchauffement climatique, alors que nous en serions peut-être parmi les premiers bénéficiaires.
J’ai mieux compris votre propos :-).
Je ne dis pas que le RC va permettre à des zones de devenir plus prospères (et d’autres moins), je dis que pour émettre tout le CO2 d’un scénario de fort réchauffement, il faut brûler ÉNORMÉMENT de fossiles, ce qui veut dire que les gens sont devenus TRÈS TRÈS riches
La richesse monumentale de tous est un INPUT des scénarios climatiques à fort réchauffement. Chose que l’on oublie quand on parle de ses conséquences.
Bonsoir Boris
Je dois avouer être un peu étonné de votre engouement pour Derichbourg après avoir fait mes propres calculs suite au document de référence de la société pour 2014/2015, donc, avec les chiffres au 30/09/2015 :
– VANN = -2.305 €
– VANT = 0.799 €
et un ratio de solvabilité de 30,53%.
Avec un cours de 2,64 € au 11/12/2015, il me semble que cette société ne fasse pas partie des cibles « investissements dans la valeur », ou alors, me trompe-je?
Peut-être suis-je un contrariant d’un contrariant ?
Si vous êtes d’accord, je suis prêt à partager mon fichier Excel de calcul, mais, je ne sais pas comment faire.
Cordialement
Bonjour Fanch,
je vous réponds un peu tard, j’en suis désolé. Votre question est très intéressante et me permets de rappeler brièvement le fondement de l’investissement dans la valeur. On ne peut mieux faire que Graham lui-même lorsqu’il donne la définition suivante : acheter un dollar pour cinquante cents. De manière plus formelle, l’investissement dans la valeur revient à acquérir des titres avec une marge de sécurité de 30% sur leur valeur intrinsèque. Veuillez noter qu’il n’y a dans cette définition aucune allusion aux actifs.
Ce qui m’amène à Derichebourg. Vous avez totalement raison de souligner qu’il n’y a aucune décote sur la VANN ni même sur la VANT. Il ne s’agit donc pas d’un investissement deep value. Je n’ai pas réellement calculé la valeur intrinsèque de Derichebourg, mais je suis convaincu que le titre possède des atouts que le marché sous-estime :
– Le PDG n’est pas un charlot, même s’il a commis le pêché de s’endetter juste avant la crise des subprimes, au moment où les cours des métaux étaient à leur plus haut historique.
– Le groupe est en plein redressement, et recommence à gagner de l’argent.
– Les cash-flows générés sont conséquents au regard du cours de bourse, et je suis convaincu qu’ils vont grossir avec le désendettement.
J’espère avoir répondu à votre question.
Je vous souhaite une excellente fin d’année.
Boris.
Bonjour Boris,
Vous avez éveillé ma curiosité avec cette position sur Derichebourg. Je me suis penché sur le dossier et j’ai tenté une évaluation du titre via l’actualisation de ses cash flows futurs :
Voici le lien:
http://cotebourse.fr/03012015-valorisation-derichebourg/
J’obtiens une valeur de €.6.5 en retenant des hypothèses de croissances conservatrices (2% environ de croissance du CA à partir de 2017 et un taux d’EBITDA / CA stable).
Quel est votre objectif de cours sur le titre ?
Il me semble vraiment bon marché même au cours actuel de €.3.3.
Merci.