juin 11, 2015

Sears ou Seritage ?

Les événements se sont précipités ces derniers jours autour de Sears. Il m’a paru important de vous relater rapidement certains faits et de vous informer de mes choix d’investissement.

Tout d’abord, le document définitif concernant Seritage est paru hier soir. Il permet d’établir une valorisation (plus ou moins précise) du REIT. Je rappelle que ce REIT sera constitué de 235 propriétés comptabilisant environ 36,7 msq (millions de pieds carrés).

Ce document nous apprend que le cabinet Duff & Phelps a été mandaté par Sears pour établir un juste prix de son immobilier, ainsi qu’un possible prix une fois cet immobilier redéployé.

De plus, ce document nous présente le bilan et le compte de résultat 2014, qui permet d’avoir une vision de ce que seront les cash flows futurs du REIT. Je préfère voir les choses à l’envers et regarder le cap rate que nous fait payer Sears pour ses propriétés.

  1. Pour cela, je dois d’abord calculer l’AFFO :
    • EBIT : 45,898 mUSD
    • Amortissements : 114,293 mUSD
    • Coût de la dette : – 66,850 mUSD

L’AFFO s’obtient en additionnant les trois valeurs, soit : 93,341 mUSD par an.
Il y aura 55 550 420 titres sur le marché (si tout se passe comme prévu). Donc :
AFFO/titre = 1,68 USD (= 2,33 USD après redéploiement d’après Duff & Phelps).

  1. Le cabinet estime la valeur des Joint-Ventures aux alentours de 436 mUSD, soit 7,85 USD par titre.
  2. Le cap rate implicite se calcule en divisant l’AFFO par la capitalisation ajustée des actifs non comptabilisés dans le calcul de l’AFFO (ici il n’y a ici que les JV). Ce qui donne :

Cap rate implicite = 1,68 / (29,58 – 7,85) = 7,7%

Le cabinet précise que le cap rate des REITs commerciaux varie entre 6% et 8%. On est donc dans la fourchette basse (basse car plus le cap rate est élevé, moins c’est cher payé).

Toujours dans son étude, le cabinet spécialisé estime que 21 des 235 propriétés pourraient être redéveloppées. Cela génèrerait (toujours d’après le cabinet) un cash additionnel de 0,65 USD par an par action. Dans ce cas, au cap rate de 7,7%, on obtiendrait un cours de 38 USD ou 46 USD avec un cap rate de 6%.

Bien évidemment ces estimations sont à prendre avec des pincettes, mais cela permet d’avoir une petite idée de là où on met les pieds. Par ailleurs,  je pense que Lampert n’a pas choisi un guignol à la tête de Seritage, et les JV avec des grands groupes comme Simon me font penser qu’il y aura de la compétence dans la gestion. De plus, il faut noter que l’endettement est plus faible que prévu : 1,161 mUSD de dettes contre 1,624 mUSD d’equity. Ce qui laisse pas mal de marge de manœuvre…

Bref, voilà qui est fait pour la valorisation de Seritage. Difficile donc de dire a priori si l’affaire est intéressante ou non. Mais je dirais que ce n’est pas le plus important car je rappelle que  Sears possède encore environ 1500 propriétés, soit plus de 6 fois ce qui va être vendu à Seritage. Mes petits calculs, en les extrapolant sans complexe à l’ensemble de l’immobilier restant à de Sears, valoriserait celui-ci à plus de 17 milliards USD. Avec un passif de 12 milliards USD et une capitalisation aujourd’hui à 3,15 milliards USD, on a pour zéro une entreprise en retournement, et des actifs comme Sears Re et un zeste d’immobilier valorisé presque autant que Sears elle-même. Rien d’affolant, donc. Ni même nouveau. Mais la question d’investir dans Seritage se pose vraiment quand le cours de Sears chute de 44 USD à 29 USD en quelques heures.

En regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il y a un véritable effet multiplicateur à investir dans Sears plutôt que dans Seritage. Si je considère par exemple ce que le marché est prêt à mettre dans Seritage au regard de la cotation des droits (6 USD à cet instant), je peux envisager un cours de Seritage à 42 USD, assez proche de l’estimation du cabinet Duff & Phelps. A ce prix, l’immobilier restant de Sears est valorisé à près de 22 milliards USD. Et en achetant du Sears à 30 USD, on a pour zéro une entreprise en retournement, des actifs comme Sears Re et de l’immobilier qui cote plus que trois fois le cours lui-même.

On voir bien que suivant la valorisation donnée à Seritage, la valeur intrinsèque de Sears varie de manière affine (c’est-à-dire linéaire en considérant l’effet de seuil de la dette). Ainsi, si Seritage cote 60 USD (donc le double de son cours actuel), Sears (hors retournement et Sears Re) pourrait valoir dix fois son cours actuel. Et ce n’est pas impossible.

En conclusion, je pourrais dire que si Seritage est vraiment sous-valorisé, je trouve préférable d’acheter du Sears. Dans le cas contraire, on peut légitimement se poser la question d’investir dedans…

Détenteur de droits Seritage, j’avais le choix hier entre les conserver pour les exercer plus tard, ce qui m’aurait valu de débourser une grosse somme d’argent pour investir dans un business qui m’intéresse à moitié, et les vendre pour, par exemple, réinvestir dans Sears. J’ai opté pour le deuxième choix…

Billets similaires

BOA Concept

BOA Concept

Ajis Co

Ajis Co

Ihara Science

Ihara Science

Atos : bientôt la fin de la descente aux enfers ?

Atos : bientôt la fin de la descente aux enfers ?

Laissez un commentaire


romain Annuler la réponse

Your email address will not be published. Required fields are marked

  1. Bonjour,

    Un tout grand merci de déjà partager l’information. Tu évoques dans l’article qu’il reste à Sears plus de 6 fois de propriétés que celles mises dans le REIT.
    Je mettrais un bémol à cette information sachant qu’en terme de propriété détenues et non louées, il en reste moins de 500.
    Le reste étant, certes des baux avantageux, qu’il est possible à Sears de monétiser en cas de sortie, comme déjà vu dans le passé, mais dont la valorisation est sans doute différente, sauf si je me trompe.

    Merci

    1. Bonsoir Christophe,

      une des difficultés du dossier a été d’estimer le patrimoine immobilier de Sears, ainsi que ses baux. Une des clefs est ce que le marché est prêt à payer pour le REIT. Ensuite, en effet, mon extrapolation est à prendre avec des pincettes, mais l’idée générale est là.

      Ce qu’il me semble important de visualiser, c’est qu’on a un bel effet de levier en investissant dans Sears, plutôt que dans le REIT.

      Bonne soirée,
      Boris

  2. A ce prix là, autour de 30USD, Sears semble être une aubaine, un potentiel de hausse immense, insensé même. Est-ce que vous vous fixez tout de même une limite à ne pas dépasser, genre 25% du portefeuille (ou de votre patrimoine). C’est tentant de mettre tous les jetons sur la table, allez hop, all-in, euh non quand même pas.

    1. Bonjour CaptainTrips,

      oh oui, c’est vraiment très tentant de tout placer chez Lampert.
      Sears à 27 USD maintenant devient une meilleure opportunité qu’il y a six mois, en raison d’une nette amélioration des résultats (il ne faut pas les lire superficiellement sous peine de mal les interpréter). Mais je suis d’un naturel craintif, et je n’irai pas m’exposer au-delà de 20-25% de mon portefeuille (en tenant compte des warrants, mais pas des obligations). J’imagine mal le cours de Sears si, par exemple, un accident arrivait à Lampert…

  3. Merci pour ton analyse Boris. Je vais également me délester de mes droits Seritage, préférant me concentrer sur Sears. Je suis ravi que le prix soit ainsi descendu, c’est dire le pessimisme de marché sur ce titre.
    Je vais continuer à me renforcer tant que nous sommes sous les 30 USD. Ca va être dur de résister à ne pas faire un all in dessus. D’autant qu’il reste beaucoup d’actifs dans Sears: beaucoup d’immobilier, des marques, Shop your way…
    Longue vie à Lampert pour monétiser cela
    Tanguy

{"email":"Email address invalid","url":"Website address invalid","required":"Required field missing"}