octobre 8, 2012

Société Internationale de Plantations d’Hévéas

Présentation

SIPH est un petit producteur de caoutchouc naturel, deuxième d’Afrique. A fin 2011, SIPH exploite 52 472 hectares d’hévéas implantés en Côte d’Ivoire (41,2%), au Ghana (24,7%), au Nigeria (24,4%) et au Libéria (9,7%) au travers de quatre filiales, à raison d’une dans chacun de ces pays. Le groupe détient 13 sites de production situés en Côte d’Ivoire (7), au Nigeria (4), au Ghana et en Libéria.

Le caoutchouc naturel issu du latex produit par l’hévéa reste indispensable dans des applications très exigeantes comme les pneumatiques. Il est en concurrence avec le caoutchouc synthétique et représente environ 40% de la consommation dans le monde. Le caoutchouc africain représente moins de 5% de la production mondiale de caoutchouc naturel, mais semble être de meilleure qualité que ceux d’Asie ou d’Amérique du Sud.

Situation

Le groupe SIPH, comme tout producteur de matière première, est fortement dépendant des cours de ces matières premières, eux-mêmes soumis aux cycles d’activité mondiale et aux aléas financiers. De ce fait, on peut considérer SIPH comme une valeur cyclique. Cependant, depuis quelques années, le cours du caoutchouc se tient fort bien et semble même ne pas connaître la crise, puisque celui-ci, au cours actuel de 3,6 $/kg, frise ses plus hauts historiques. En conséquence de quoi, les bénéfices de SIPH sont eux-aussi à leur plus haut historique, comme l’atteste le tableau ci-dessous :

Année 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Résultat net 16287 24452 33917 45419 40653 57375 97960 89324
VANT 6,86 12,53 19,78 21,93 22,41 29,88 38,97 48,42
Dividendes 0 1,44 2,075 2,4 1,4 3,0 5,5 8,0

On peut constater la gestion très rigoureuse et très saine de la direction à travers les différents ratios de rentabilité résumés ci-dessous :

Médiane

2011

2010

2009

2008

2007

2006

2005

2004

Marge op.

33,23%

30,02%

46,22%

44,62%

25,90%

37,58%

33,39%

33,08%

31,79%

Marge nette

27,31%

22,16%

33,16%

33,82%

18,47%

27,57%

26,33%

30,24%

27,05%

ROA

19,74%

19,54%

24,07%

19,41%

16,40%

13,93%

19,35%

22,45%

30,65%

ROIC

26,30%

29,02%

33,82%

26,93%

22,74%

28,35%

25,67%

24,71%

20,07%

Solvabilité

72,14%

69,97%

65,15%

72,91%

71,37%

72,91%

74,58%

75,46%

56,43%

Il est clair qu’avec de tels ratios, SIPH est une entreprise de grande qualité qui traverse la crise avec sérénité. la direction perçoit encore de très fortes demandes en caoutchouc, et table court terme sur la continuité de la hausse du cours. Cependant il est important de noter qu’en 2011, les marges et les résultats sont en baisse. Le groupe a en effet subi les graves évènements de Côte d’Ivoire que l’on connaît, amputant les exportations au printemps. Même si la direction se veut rassurante en précisant que la sécurité est revenue progressivement, et que les affaires se déroulent désormais comme avant, nous considérons ces évènements comme potentiellement renouvelables et nous en tenons compte dans notre analyse. D’ailleurs, à ce jour, l’enlèvement de trois collaborateurs sur place n’a toujours pas été résolu.

Evaluation

Les taux de croissance du résultat et de la VANT sur la période sont respectivement de 27,52% et de 32,20% (calculés à partir des chiffres du paragraphe précédent). C’est impressionnant. Mais nous doutons fortement que cette croissance puisse se poursuivre ainsi. C’est pourquoi nous préférons adopter une attitude très conservatrice et choisissons de nous aligner sur la VCB. D’après nos calculs, celle-ci s’établit à 118,90 € (médiane sur les huit dernières années des VCB actualisées à 12%), offrant une marge de sécurité de 44,82% sur un cours à 65,61 €.

Nous avons également calculé les trois ratios que nous jugeons indispensables à l’évaluation et à la comparaison d’entreprises de qualité. Ainsi, au cours actuel de 65,61 €, nous avons :

  • Un PER à 5,62.
  • Un EV/EBIT à 3,04.
  • Un FCF Yield à 6,37.

Il nous est difficile d’établir un juste prix. La VCB est notre valeur cible plancher. Compte tenu du rendement très élevé (12,19%), un PER situé aux alentours de 12 nous semble raisonnable. Cela amènerait notre objectif à 140 €. Mais si les cours du caoutchouc continuaient de monter, cet objectif serait revu à la hausse.

Conclusion

Considérant la forte croissance du résultat net et de la VANT au cours des huit dernières années, nous pourrions classer l’entreprise dans les valeurs de croissance. Ce serait oublier l’activité même du groupe, et sa très forte dépendance au cours du caoutchouc naturel. Cependant, la résilience dont elle a fait preuve durant les difficiles années 2008 et 2009 nous prouve que nous ne pouvons pas non plus la ranger avec les cycliques. Nous la considérons plutôt comme une valeur défensive, de fond de portefeuille : affaire de grande qualité avec un beau dividende. Même si ce dernier peut présenter un caractère aléatoire dû à l’évolution du cours du caoutchouc naturel, SIPH est pour nous également une valeur de rendement. Nous ne pouvons émettre aucune hypothèse sur les prochains niveaux du cours du caoutchouc, mais nous n’avons aucune raison d’être pessimistes, la demande pour les pneumatiques ne pouvant se résorber. Par ailleurs, SIPH a prouvé sa maîtrise des coûts en arbitrant habilement entre production propre et achat aux petits producteurs locaux. Sa parfaite gestion de ses plantations assurera son avenir sur le long terme. La présence de Michelin au capital est également un point fort. Seul point noir pour nous : les tensions et les risques civils dans les différents pays producteurs sont importants, mais d’autres risques pèsent sur les autres producteurs d’Asie et d’Amérique du Sud.

Nous pensons a priori conserver bien longtemps nos titres SIPH. Seule une évolution trop favorable des cours du caoutchouc nous forcera à vendre notre ligne. Ce ne sera pas à moins de 140 €.

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  1. Excellente société!

    Je suis d’accord avec vous sur toute la ligne.
    Ce que je trouve assez remarquable pour SIPH, c’est sa capacité à générer du cash et à avoir un ROIC très élevé indépendamment des conditions de marché, idem pour la MOP.
    Même quand le prix du caoutchouc est plus bas que ces dernières années, la boîte est bien rentable.
    Les rentrées d’argent sont fluctuantes, mais malgré tout plus que correctes.
    D’où la difficulté, comme vous l’avez fait de la classer dans les cycliques.
    Lors des périodes de vache grasse, l’augmentation de la demande mondiale de caoutchouc hâtise également le prix et donc l’effet est multiplicateur (raisonnement inverse en période de récession, bien entendu…;)).

    Un autre point intéressant est que le pic de « planting » (nombre d’hectares replantés chaque année) prévu par la société a été atteint en 2011 et va diminuer dans les années à venir, ce qui pourrait augmenter le FCF, déjà abondant.

    J’aime aussi le côté « hors France » tout en pouvant se loger dans le PEA.

    Je ne sais pas si vous avez eu cette information mais les principaux producteurs mondiaux de caoutchouc (Indonésie, Malaysie, Thaïlande) ont conclu un accord cet été pour limiter leur production et ainsi enrayer la chute des cours.

    Bonne journée

    Edit : j’ai du SPIH en portefeuille

    1. Bonsoir Etienne. Merci pour ton commentaire.
      Nous pensons également que SIPH est une très bonne société, injustement sous cotée. Tant mieux pour nous :-).
      Je n’ai pas eu l’information que tu mentionnes mais j’ai quand même l’impression qu’il est un peu tôt pour parler de chute des cours du caoutchouc, non ? Cela dit, c’est une bonne nouvelle pour les producteurs africains que les asiatiques aient décidé de limiter leur production.
      Cela fait-il longtemps que tu en as en portefeuille ? Est-ce également le rendement qui t’a incité à investir ?
      Bonne soirée.

      1. Pour la baisse du cours, je vous laisse seuls juges : http://siph.com/cours-caoutchouc…mais quand même -30% depuis le début de l’année et -56% depuis le pic de 2011, c’est pas mal quand même ? A titre personnel, j’appelle cela une chute! 😉

        J’ai acheté SIPH fin janvier 2011. J’avais fait ma première analyse en décembre 2010 (quand le cours cotait à 51€..snif, car je n’ai pas pu en acheter à ce prix là) ; http://www.investisseurdebutant.com/ca-vous-branche-le-latex

        Pour ma part, ce sont les ratios Magic Formula (ROIC et Earning Yield) qui ont attirés mon attention puis j’ai fait mes devoirs comme vous…et le dividende est un gros bonus.

        Petite question technique : pourquoi inclure une médiane dans vos calculs ? Vous y trouvez plus de pertinence que la moyenne ?

        Au plaisir de vous lire

        1. Bonsoir Etienne, en effet, je n’avais pas vu les récents chiffres. Impressionnant ! Nous sommes d’accord sur le terme de « chute ».
          La médiane me semble en effet plus pertinente que la moyenne, en particulier lorsque l’entreprise présente un « accident de parcours ». Cela nous a permis, dans le cas de SIPH, d’écarter les chiffres des années 2004 et 2005, assez éloignés – justement – de la moyenne. Mais il s’agit d’une considération propre qui ne fait pas loi.
          Finalement, pour notre part, nous ne serions pas déçus de voir le cours de SIPH baisser à court terme, car nous avons bien envie de nous resservir sur les marchés. Peut-être que la baisse (euh, pardon, chute) du cours du caoutchouc va nous rendre service.
          Merci Etienne pour vos commentaires. Bonne soirée.

  2. Bonjour à vous,

    Je trouve que l’information sur le cours donnée par la société est quelque peu « misleading », en ce sens que 10 ans, c’est trop court ! Le cours a explosé sur ces 10 dernières années et je le trouve toujours trop haut (sans être expert du domaine et sans connaître ce que devrait être le cours normalisé du matériau). Le chute ne me semble pas particulièrement vertigineurse sur 40 ans.
    Je maintiens ce que j’ai dit à Etienne : sans être spécialiste du domaine, cette société est trop chère pour moi, bien que sa qualité soit très bonne pour un commodity business qui ne peut pas répercuter grand chose sur ses clients. Si j’en savais plus sur le caoutchouc, j’aurais peut être un avis différent.

      1. Merci Serge pour ces commentaires. Nous comprenons ton point de vue, et il n’est pas impossible que nous ayons payé cette entreprise plus cher que ce que nous déboursons d’habitude. Nous connaissons la pertinence récurrente de tes jugements et ne sommes pas indifférents à ta remarque. Cependant, il nous paraît toujours délicat d’anticiper les cours du caoutchouc et nous nous en gardons bien, même si nous sommes convaincus que la crise est la cause principale de cette baisse des cours. Nous comprenons que par prudence, tu préfères acheter lorsque les cours des matières premières sont bas. Certes, mais en 40 ans, le monde a beaucoup changé, avec des demandes en ressources naturelles bien différentes…
        Nous n’avons donc que très peu tenu compte de l’aspect matière première. Et cela s’inscrit parfaitement dans notre stratégie de dividende pérenne, qui est pour nous une stratégie défensive bien adaptée au contexte actuel ciblée sur une valeur efficace et aux ratios solides. C’est vraiment ce qui a compté pour nous.

  3. Tu as parfaitement raison Serge.

    Ceci dit, en prenant comme référence les cours de 2004, qu’on ne peut pas qualifier de trop élevés, la société a dégagé à l’époque une MOP de plus de 30%.
    Ce que je veux dire par là : il me semble que, malgré un secteur cyclique, SIPH est rentable et dégage des bénéfices. Elle a de plus versé un dividende, quoiqu’erratique, depuis cette date.
    En prenant comme hypothèse un cours du caoutchouc inférieur de 40%, on est aux alentours de 80 et, par le passé, SIPH a gagné de l’argent sur ce niveau de cours.
    Même avec un cours divisé par deux, on retombe sur les valeurs de fin 2008/début 2009, et SIPH gagne toujours de l’argent avec une bonne rentabilité.

    Après, la marge de sécurité n’est pas celle d’AIG, mais il me semble malgré tout qu’en prenant position sur les cours actuels on ne fera pas forcément une mauvaise affaire.

    1. Je suis d’accord avec vous tous que cette boîte est top dans son domaine. Simplement, en étant ignorant dans ce domaine, je préfère surjouer la sécurité. Le monde a peut être changé depuis 2004, mais mon ignorance dans le domaine, quant à elle, n’a pas bougé d’un iota !!
      Je fais pareil sur Freeport Mc Moran régulièrement en rammassant la société en bas de cylcle uniquement, et n’ose pas la ramasser aujourd’hui, alors que je connais bien mieux l’industrie. Excès de prudence peut être…

  4. Hi,
    I stumbled upon SIPH a few weeks ago and found it really interesting. I read the latest annual report (which is luckily available in english) and looked at the long-term financials.

    Your article is the first I found about SIPH, thanks for that! (and thanks to the google translator as well, which allowed me to read and hopefully understand it)

    My conclusion is: SIPH is a well managed company, financed conservatively and profitable even under adverse conditions like 2009, when the rubber price fell sharply.
    But what I don’t know: what price would be obviously attractive, as the results of SIPH are highly dependent on the rubber price? I can’t predict the future rubber price, so that is hard to answer for me. I’m tempted to say, SIPH is attractive at the moment, but I’m not sure, if I am fooling myself and pretend to know more than I actually do.

    An interesting issue you didn’t touch in your article, is the accounting of biological assets according to IAS41. That causes a revaluation of the biological assets at the balance sheet date based on a DCF valuation (which is naturally very uncertain for a hevea plantation with a life cycle of more than 30 years). The gain or loss (which is a non cash item) is also recorded on the income statement (!), which often makes the net result shown in the income statement less useful. I would recommend to have also a closer look at the operating result before IAS41 (as shown in the annual report) and at the cashflow statement.

    At the moment I am writing an article on SIPH for my blog which will be published this or next week. Maybe it will be of interest to you! (My blog is german, but it should be readable with google translate).

    Greetings,

    Stefan (a value investor from germany)

    1. Bonjour René.
      Le ROIC mesure l’efficacité d’un business et se calcule par le quotient du résultat de l’entreprise par ses investissements. Les notions de résultat et d’investissement diffèrent souvent d’un investisseur à l’autre. Nous, nous utilisons au numérateur (résultat) : EBIT x taux moyen d’imposition. Et pour le dénominateur nous prenons en compte les actifs réellement investis nets de dettes; c’est-à-dire que nous ne considérons ni la trésorerie ni les dettes ne donnant pas d’intérêt (fournisseurs, provisions…), ce qui donne : actif – trésorerie – dettes avec intérêts.
      En espérant avoir répondu à votre question.

  5. Merci,

    Au numérateur ça revient à faire Fonds propres + Trésorerie nette ?

    Pour vos calculs, utiliser un fichier excel avec des données issues de yahoo, msn ft ou autres. Oui bien calculer vous tout à partir du des comptes annuelle ?

    1. Bonsoir René,
      vous avez certainement confondu numérateur et dénominateur, mais peu importe. Votre proposition n’est pas tout-à-fait la même que la nôtre. En fait, tout dépend de ce que vous entendez par trésorerie nette. N’oubliez pas que nous parlons d’emprunts donnant lieu à intérêts.
      Nous nous méfions des données issues d’internet, et pour nous, seuls les rapports annuels font foi… C’est un gros boulot de tout analyser !

      Bonne soirée.

  6. Bonjour Boris,

    Je travaille toujours pour trouver des idées d’investissements. Je fouille un peu dans le secteur des matières premières. Du coup, je regarde un peu SIPH.

    Est-ce que tu suis toujours cette action? As-tu mis tes chiffres à jour depuis ton étude sur le blog?
    Compte tenu de la baisse du cours du caoutchouc et également de SIPH, es-tu toujours intéressé par la valeur?

    Elodie

    1. Bonjour Elodie,

      en effet, SIPH subit la chute des cours du caoutchouc et semble un bon candidat au renforcement. J’ai prévu dans ma to do list de me pencher de nouveau sur cette entreprise qui me semble a priori bien gérée malgré le contexte. Mais pour le meoment, je n’ai pas d’information pertinente à communiquer.

      Boris

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