septembre 20, 2012

Recylex, Fortune Industries et les autres

L’investissement en bourse nécessite des nerfs d’acier afin de pouvoir ne pas se laisser submerger par ses sentiments. Mais il arrive parfois que trop, c’est trop. Après deux ans de crise difficile, que peut-il y avoir de plus irritant que d’avoir choisi les mauvais chevaux, ceux qui restent dans le box lorsque tous les autres sont déjà au galop ? Il y plus irritant : avoir repéré les bons chevaux, mais n’avoir que « failli » mise sur eux et avoir reporté son choix sur les mauvais. Aucune consolation n’est possible, mais il y a peut-être des conclusions à tirer de cela.

  1. Nicox, début 2012, cote 30% en-dessous de sa trésorerie nette de dettes. Pourtant présent dans notre watch list, nous ne voyons pas le titre atteindre à la baisse les 0,8€, cours auquel nous nous portions acquéreur. Quelques semaines plus tard, le titre valait plus de 4€, marquant une performance de… +600% ! Nous aurions vendu évidemment bien plus tôt (1,5€ ou 2€), mais a posteriori, notre performance n’aurait pas été négligeable, en particulier dans un marché très déprimé.
  2.  Au printemps 2012, nous constatons que le secteur de la sidérurgie est complètement délaissé par le marché. Nous repérons quatre valeurs très prometteuses : Eramet, Aperam, ArcelorMittal et Recylex. Les trois premières valeurs entrant parfaitement dans nos critères, nous les achetons. Et c’est aujourd’hui une bonne affaire avec une performance moyenne de +20% sur six mois. Mais ce qui est rageant, c’est qu’ayant jugé la solvabilité de Recylex un peu « faiblarde » à côté de ses consœurs, nous l’avons écartée de notre liste, ne pouvant tout acheter, et surtout ne voulant pas sur-pondérer le secteur de la sidérurgie dans notre portefeuille. Ce fut un mauvais choix, le cours de Recylex ayant plus que doublé depuis que nous l’avons remarquée en mai.
  3. Au printemps 2012, encore, le cours de Soitec atteint sont plus bas niveau depuis deux ans. A peine à 2€, il offre un potentiel de +50% pour celui qui a le courage d’en acheter. Mais pour que le titre « colle » parfaitement à nos critères, il faut que le cours passe sous les 2€. Ce qu’il ne fait pas, puisqu’il rebondit et gagne 40% au cours du rally estival.
  4. Toujours au printemps 2012, les titres Renault et Vallourec poursuivent leur descente aux enfers. Nous repérons les titres en espérant pouvoir les acheter encore un peu moins chers. Mais c’est encore un raté, puisque chacun des deux titres reprend entre 40 et 50% au cours de l’été.
  5. Eté 2012, nous repérons la société Thompson, une minière américaine, cotant un quart de ses actifs tangibles. Nous prenons beaucoup de temps pour examiner cette pépite afin d’être certains de ne pas nous tromper. Dommage, car le cours a gagné 50% entre-temps, rognant largement le potentiel. C’est rageant, encore une fois, mais il n’est pas trop tard…
  6. Eté 2012, nous jetons notre dévolu, un peu rapidement, sur Fortune Industries, une toute petite entreprise américaine que nous estimons sous-cotée de 75% en achetant autant d’actions que nous pouvons. C’est-à-dire pas grand chose compte tenu de la liquidité du titre à l’époque. Une nouvelle analyse du titre nous fait penser que nous avons peut-être été trop optimistes dans notre analyse et préférons revendre aussitôt, empochant une plus-value très symbolique. Une semaine après notre vente, le titre gagne 110% en deux séances.

La liste est longue et nous pourrions continuer ainsi sur plusieurs pages, mais notre objectif n’est pas l’exhaustivité. En effet, ce qui nous semble intéressant dans les six cas sus-cités, c’est qu’ils sont tous différents, avec une raison particulière qui nous a fait prendre la mauvaise décision, ou rater la bonne pioche. Reprenons rapidement :

  1. Nicox : nous n’avons pas assez surveillé le cours.
  2. Recylex : la comparaison entre plusieurs titres nous a fait prendre la mauvaise décision.
  3. Soitec : l’application stricte de nos critères nous a conduits à écarter un bon candidat.
  4. Renault et Vallourec : nous avons été trop gourmands.
  5. Thompson : nous avons peut-être consacré trop de temps à l’analyse ou trop attendu pour se plonger dedans.
  6. Fortune Industries : nous suspections le catalyseur, mais notre analyse a été trop pessimiste.

Que retirer de tout cela ? Il y a pour nous plusieurs choses. Voici dans le désordre ce que nos expériences nous ont appris :

  • La précipitation nous a fait souvent fait faire de mauvaises affaires. Et avoir trop tardé dans l’achat nous en a fait rater de belles. Mais notre philosophie, insufflant qu’il vaut mieux rater une belle affaire qu’en faire une mauvaise, nous rassure dans le cas de Thompson. Par ailleurs, l’investissement dans la valeur étant généralement une affaire de long terme, nous partons du principe qu’il n’y a pas lieu de se précipiter. En conséquence, quand la conclusion d’une analyse est « vite ! Il faut acheter », c’est pour nous un mauvais signe. Dans le cas de Thompson, nous n’avons donc aucun regret à avoir, et nous continuerons systématiquement à pousser nos analyses jusqu’au bout pour laisser le minimum de place au hasard.
  • La gourmandise est un vilain défaut. Et tout comme nous devons faire attention à ne pas trop manger de chocolat, il est inutile de chercher à acheter un titre au plus bas. Une des forces de l’investissement dans la valeur est justement de pouvoir s’affranchir de tout ce qui est momentum, et d’acheter quand l’opportunité se présente.
  • L’investissement dans la valeur n’est pas pour nous qu’une philosophie. C’est aussi un ensemble de règles auxquelles on ne peut déroger. Rappelons-nous notre bilan 2011, dans lequel nous durcissions nos critères de solvabilité. Si nous avions appliqué ces nouveaux critères, nous aurions économisé de quoi constituer trois lignes Soitec. Encore une fois, en appliquant les règles strictement, nous aurions certes raté Soitec (ce que nous avons fait allègrement), mais nous n’aurions pas vécu trois catastrophes comme Sequana, Chargeurs ou autre Air France. Notre maxime citée plus haut s’applique donc une fois encore…
  • Même si nos choix n’ont pas été les plus judicieux a posteriori, il n’existait aucun élément au moment de notre investissement qui pouvait nous faire penser a priori que telle ou telle valeur avait plus de probabilité de monter que les autres. Et même si nos analyses avaient décelé dans chacune de ces entreprises un beau potentiel (qui s’est réalisé), arbitrer en choisissant la valeur de meilleure qualité ou celle qui a le plus gros potentiel n’a pas constitué la méthode menant immanquablement au succès. Ainsi, entre deux entreprises répondant à tous les critères de sélection de l’investissement dans la valeur, et en l’absence de catalyseur, il n’y a a priori rien qui puisse nous guider vers l’une plutôt que vers l’autre, excepté le hasard. Nous arrivons à la conclusion – mais nous le savions déjà – que le hasard, malgré toutes les garanties que notre approche nous fournit, reste à notre niveau une composante de l’investissement omniprésente (nous ne sommes pas Warren Buffet), car après tout, le hasard ne peut-il pas se définir d’une manière générale comme tout ce qui ne peut être ni prédire ni compris ? C’est en tous cas notre point de vue, et nous l’assumons en protégeant notre portefeuille par une large diversification.

Cette petite réflexion sur nous-mêmes nous a semblé intéressante et nous avons souhaité la partager sur ce blog. Nous avons tous parfois pensé à nous écarter du chemin, à  prendre des raccourcis en enfreignant légèrement une règle ou deux. Cela peut payer, mais c’est prendre un risque et peut-être devoir le regretter. Dans le doute, quitte à passer a posteriori à côté de belles affaires, nous préférons appliquer à la lettre notre stratégie, qui nous offre finalement beaucoup de sécurité. C’est un peu comme décider de s’attacher les mains pour ne pas être tenté de piocher dans la boîte de chocolats. Mais que le lecteur soit rassuré : nous avons effectué de très belles affaires en 2012 (nos abonnés à notre newsletter ont pu s’en apercevoir) et les titres qui n’ont pas rapporté cette année rapporteront l’année prochaine. Ce n’est qu’une question de patience… et d’un peu de chance.

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  1. Bonjour à vous,
    Il me semble que dans le cas de recylex, le procès en cours concernant ses responsabilités pour une de ses filiales qui a fait faillite pesait sur son cours. Le dénouement de ce procès allait apporter de la certitude sur les débours de cash qu’allait ou non devoir faire la société. Il se trouve que recylex ne va rien payer du tout, car elle ne dirigeait pas sa filiale dans les faits. Ainsi, ce procès était, à mon sens, le catalyseur qui allait renfermer le gap prix/valeur, quel qu’il fut.

    1. Bonjour Serge,
      c’est exactement ça. Mais maintenant que le cours est au-dessus de sa VANT, l’affaire ne représente, par rapport à notre approche patrimoniale, plus grand intérêt.
      Merci pour vos précisions.

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