mars 8, 2021

DMS: la forte décote est-elle justifiée ?

Un des plaisirs que j’ai à tenir ce blog est l’expression de la relation que je tisse avec vous, lecteur, au fil du temps. Cette relation conduit régulièrement à des discussions fort intéressantes, pouvant parfois elles-mêmes mener à des décisions d’investissement. C’est ainsi que tout récemment, un lecteur qui souhaite rester anonyme, m’a invité à étudier une société dont il venait de se porter actionnaire. Ce que j’ai fait. Le résultat est que cette société n’intègrera pas mon portefeuille, même si, comme vous le verrez dans l’article, ladite société est très décotée. Mais comme j’y ai trouvé des points intéressants, j’ai pensé pertinent de partager mon analyse. J’ai donc réuni mes notes et vous ai rédigé ce résumé.

Un passif sans création de valeur

Créée en 1993 DMS (Diagnostic Medical Systems) est le leader français des systèmes d’imagerie médicale pour la radiologie et l’ostéodensitométrie. Introduite en bourse en 1998, elle se retrouve quelques années plus tard dans une situation catastrophique : entre 2005 et 2010, la société a perdu 23,8 M€ pour un chiffre d’affaires tout juste stable, et le cours, victime de dilutions à répétition, s’est effondré de 93%. Le groupe est repris par l’ex banquier Jean-Paul Ansel en 2009, déterminé à remettre le groupe sur les rails via une restructuration comprenant notamment une réduction des effectifs de moitié. Dès 2010, il met sur le marché la table de radiologie Platinum et l’ostéodensitométrie Stratos, en visant le marché asiatique. Et les comptes se redressent, mais pas suffisamment pour dégager des bénéfices. En 2011 en raison d’un bilan affaibli, il est contraint de lancer sa première augmentation de capital.

Puis commence la boulimie des acquisitions plus volontiers tournées vers des sociétés en détresse, et souvent difficilement connectables à l’imagerie. Le tout financé par augmentations de capital, entraînant de grosses dilutions : sa deuxième augmentation de capital a ainsi lieu en 2012. Puis en 2014 il rachète 73% d’Alpha Mos pour 6 M€ (attention, ce chiffre est établi par recoupements, mais n’est pas officiel, je peux me tromper). Cette acquisition est financée par une troisième augmentation de capital (8 M€). Cela dit, cette fois l’opération est lucrative puisqu’il revend le groupe trois ans plus tard pour un total d’un peu plus de 10 M€, engrangeant une plus-value de 70% (là encore, ces chiffres ne sont pas officiels et je suis preneur de toute information).

Ensuite, en 2015, il rachète Stemcis, bouclant sa quatrième augmentation de capital (6,37% du capital), pour « renforcer l’activité santé et bien-être » du groupe.

En 2019, il prend le contrôle d’Hybrigénics, avec 80% des parts, valorisant la socitété à 25 M€. Il en revend 20% en 2020 et dégage une plus-value de 5,3 M€, ce qui permettra très probablement au groupe d’enregistrer un résultat net positif en 2020 (à confirmer).

La folie Hybrigénics

Si je vous parle de DMS aujourd’hui, c’est qu’il y a peut-être un coup à jouer. D’un point de vue macro, DMS, valorisé en bourse moins de 30 M€ est composé d’une société d’imagerie qui génère 30 M€ de chiffre d’affaires mais qui peine à être rentable, et une filiale Hybrigénics, qui génère très peu de chiffre d’affaires, mais dont la part dans DMS est valorisée… 60 M€ ! Vous avez bien lu. Rien que la filiale cote le double de l’ensemble du groupe.

Hybrigénics a développé conjointement avec le laboratoire Servier une molécule inhibant l’Ubiquitin-Specific Protease, ouvrant la voie à la découverte de médicaments contre certains cancers (poumon en particulier). Hybrigénics a obtenu plusieurs brevets à cette occasion, ce qui lui permet de percevoir des (faibles) royalties. Mais ce qui peut expliquer la subite envolée de son cours, c’est la probable issue favorable d’un procès aux USA l’opposant à Forma Therapeutics, une société locale qui lui aurait copié son brevet. Tout cela reste toutefois bien spéculatif, et ne justifie peut-être pas un prix avoisinant dix fois le chiffre d’affaires.

C’est juste une image pour faire joli car je n’y comprends rien.

En parallèle, en 2019, Hybrigénics reçoit la division DMS Biotech (représentée par Stemcis) de DMS Group. Cette division commercialise un dispositif de lipofilling (technique chirurgicale d’autogreffe utilisant le tissu adipeux) et dispose d’une recherche avancée dans le traitement de. Ces éléments sont peut-être prometteurs, mais c’est hors de mon domaine de compétence, et je préfère ne pas tenter de valorisation.

Un business d’imagerie qui pourrait décoller

En parallèle, le métier d’imagerie, après des années d’investissements à pertes, pourrait peut-être devenir rentable. DMS vient en effet de se voir accepter par la FDA la dernière mouture de sa table de radiologie Platinum, une des plus innovantes du marché, grâce notamment, à sa plateforme logicielle intégrant un module d’intelligence artificielle permettant d’améliorer la qualité des images avec une dose de rayons X inférieure au standard du marché. Dans ce cadre, elle a récemment signé un nouveau partenariat avec Fujifilm et a massivement investi dans une nouvelle usine, qui lui permettra de doubler sa production si nécessaire.

Une table de radiologie haut de gamme Platinum

Dans ce secteur concurrentiel qu’est la radiologie (l’ostéodensitométrie l’est moins mais DMS n’a pas réussi à développer correctement ce business), DMS, qui a fait le choix de la radiologie haut de gamme pour se différencier de ses concurrents (généralement des filiales de gros conglomérats), a peut-être une chance de sortir du lot avec son nouveau produit, qui semble être reconnu par le marché. DMS vient d’ailleurs de vendre en propre pour 7,5 M€ d’équipements en Ouzebékistan.

Difficile de donner un prix pour un telle société. Elle n’est pas loin de l’équilibre et son chiffre d’affaires pourrait grossir subitement. A la louche, un ratio de 1,5x le chiffre d’affaires est raisonnable.

Conclusion 

Pour évaluer DMS, je ne considère que les deux principales activités (DMS et Hybrigénics) comptant ains l’activité dans le bien-être (DMS Wellness, balbutiante), pour zéro.

 Ainsi, au cours de 1,80 €, on peut acheter :

  • Une société d’imagerie en train d’émerger, qui pourrait valoir 2,5 € sur la base de 1,5x son chiffre d’affaires. Ce n’est pas forcément tiré du chapeau car EOS Imaging, société comparable, mais fortement déficitaire et bien plus endettée que DMS vient d’être rachetée à un prix valorisant DMS à trois fois son prix actuel (proportionnellement au chiffre d’affaires).
  • Une participation majoritaire dans une société (Hybrigénics) dont la part revient à 3,5 €
  • Un déficit cumulé de 35 M€ donnant droit à un crédit d’impôts de 0,5 € par titre (si tant est que le groupe redevienne bénéficiaire).

Soit un total supérieur à 6 €. Il est important de noter deux choses dans cette tentative de valorisation :

  1. La valorisation d’Hybrigénics ne repose que sur de l’intangible, dont une part de spéculation. Elle pourrait retomber comme un soufflet, sans toutefois valoir zéro.
  2. Jean-Paul Ansel, depuis son arrivée à la direction, bien qu’il ait fortement réduit les pertes, n’a pas tenu ses promesses de rentabilité et a continué à diluer les actionnaires : les fonds propres sont passés de 4 € par titre à 2,5 € en dix ans. Même si on peut être rassuré par le fait qu’il possède environ 10% de la société, on se doit d’être sceptique quant à un proche retour à la rentabilité. On peut également légitimement s’interroger sur ce qu’il compte faire du solde de la participation (59,4%) dans Hybrigénics. L’historique de (non) création de valeur par acquisitions à tours de bras ne plaide pas pour lui.

Ainsi sur le papier, la société devrait valoir le triple de ce que nous en offre le marché, avec toutefois un seuil plancher que je peux estimer à 2 € par titre, car la technologie développée a une véritable valeur. Mais l’aspect spéculatif de Hybrigénics et le médiocre historique opérationnel et financier des dirigeants en font un dossier spéculatif à long terme. Le risque est que la bulle sur Hybrigénics se dégonfle sans que DMS ait pu en profiter, et que celle-ci continue à diluer ses actionnaires par des acquisitions destructrices de valeur. Pour ma part, même si les intérêts de Jean-Paul Ansel sont alignés à ceux des autres actionnaires (il possède environ 10% de la société, et ne se verse qu’un petit salaire) je ne parviens pas à me résoudre à devenir actionnaire d’une société qui a détruit tant de valeur au fil des ans. Pour le moment, je passe mon chemin.

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DIDIER Annuler la réponse

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  1. Bonjour,
    Merci pour votre blog. Simple commentiare de forme pour les lecteurs : vous pourriez indiquer la date des articles.
    Cordialement

    1. Bonjour Octave. Merci pour votre commentaire.
      A priori la date des articles apparaît bien en tête d’article, sur l’image d’accueil, juste au-dessus du titre.
      Vous souhaiteriez la voir apparaître à quel endroit ?

    1. Bonsoir Didier,

      j’avais vu. Je suis la société du coin de l’oeil. Belle croissance du pôle radiologie. Le reste c’est nettement moins bon.
      Je ne change pas mon point de vue pour le moment.

      1. Bonjour Boris,

        Est-ce possible de mettre une alerte par mail au moment d’un nouvel article et d’un nouveau commentaire ?
        Cette alerte existe déjà et je suis peut-être mal paramétré ?

        merci
        d

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